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Rencontre : un brigadier nommé Depardon

Mise à jour  : 01/10/2019 - Auteur : Anthony Thomas-Trophime - Direction : DICoD

Raymond Depardon sillonne la planète avec boîtiers photo et caméras depuis six décennies. Mais sa vie aurait sans doute été différente s’il n’avait pas été appelé sous les drapeaux au début des années 60...

Dans la salle d’exposition encore fermée aux visiteurs, le silence est rompu par un cliquetis suivi d’un bruit sec et métallique. Raymond Depardon manipule délicatement son Rolleiflex, un appareil photo argentique, à l’occasion de l’exposition Raymond Depardon : 1962-1963, photographe militaire, qui lui est consacrée au musée national de la Marine de Toulon. « Cet appareil est assez difficile à maîtriser. Il faut viser à l’envers, mais on a une telle proximité avec les sujets... » Le photographe de la célèbre agence Magnum réarme son boîtier, compose son cadre et ajuste sa mise au point. Clic !

Sur les murs blancs de la galerie sont accrochées les photos de son tour de France militaire. On y trouve son portrait pris lors d’un reportage au 1er bataillon parachutiste de choc, à Calvi. À 20 ans, le jeune homme a une carrure solide et porte un treillis camouflage. Sa casquette « Bigeard » vissée sur la tête réhausse un regard franc mêlé de pudeur. C’est en août 1960 qu’il rencontre le monde militaire. Jeune pigiste pour l’agence parisienne Dalmas, il est envoyé en Afrique pour suivre une mission scientifique et assiste au sauvetage d’un groupe d’appelés, perdus et sans eau, dans le désert algérien. Il croise alors les reporters militaires du magazine Bled 5/5 (qui deviendra ensuite Terre Air Mer) qui lui proposent de faire son service militaire au sein de la revue. Raymond Depardon y voit l’opportunité de combiner sa passion à son devoir. En 1962, ce fils de cultivateur est appelé et fait ses classes au 37e régiment d’infanterie de Sarrebourg. « Ce qui était formidable avec le service militaire à l’époque, c’était de voir toutes les couches sociales. Comme un prolongement de l’école, on y trouvait le vrai profil de la France. »

Son statut de photographe suscite l’incompréhension. « Comment ça tu es photographe ? Tu as déjà photographié Brigitte Bardot et de Gaulle ? » Jusqu’au jour où son chef de corps lui demande de couvrir le mariage de sa fille. « C’est à partir de là qu’on a commencé à me prendre plus au sérieux... »

Ce qui était formidable avec le service militaire à l’époque, c’était de voir toutes les couches sociales.

Fin des classes. Le brigadier Depardon est donc affecté au sein de la rédaction de Terre Air Mer (TAM), un « Paris Match militaire » destiné à ranimer le lien armée-nation après la guerre d’Algérie. La revue compte dans ses rangs des appelés comme les futurs journalistes Philippe Labro et Daniel Pautrat. Le photographe enchaîne les reportages variés. Du bout du doigt, il désigne sur une photo une cordée de militaires du 13e bataillon de chasseurs alpins en progression le long d’une crête du Mont-Blanc : « J’ai photographié leur ascension… Mais depuis la porte d’un hélicoptère ! »

Autre cliché. Sur la base-école des troupes aéroportées de Pau, son ami journaliste Yves Nouchi négocie avec le chef de corps de l’école pour le faire sauter, avec les bérets rouges, du haut de la redoutée tour d’exercice haute de 4 étages. « Impossible de me défiler, j’étais obligé d’y aller ! Quand on se lance, on à l’impression de se suicider. »

Si Raymond Depardon est en service commandé, il exprime déjà son art avec une grande liberté. Son travail est reconnu et se traduit par de nombreuses parutions en couverture ou en double-page de TAM. Libéré de ses obligations militaires en 1963, il couvre un an plus tard la guerre du Vietnam et publie ses images dans le New York Times. Une consécration. Suivront des reportages au Biafra, en Tchécoslovaquie, au Tchad, au Liban et en Afghanistan. Ses nombreux voyages ne l’empêchent pas de s’intéresser au territoire hexagonal.

« J’ai eu une chance inouïe de faire mon service militaire pour ce journal. Mon année passée à TAM m’a donné le goût, l’envie et le plaisir de continuer à photographier la France. »

Certains ont appris un métier pendant leur service militaire. Raymond Depardon, animé par sa passion, a affiné son art. Son statut de photographe embarqué lui a permis d’aiguiser sa perception des êtres et des situations, et de façonner le regard humaniste qu’il porte sur le monde depuis soixante ans.

L'expo Depardon, photographe militaire 1962/1963, est :

  • à Paris, au musée du service de santé des Armées (1 place Alphonse Laveran, 75005 Paris), jusqu'au 31 janvier 2020
  • à Toulon, au musée national de la Marine (Place Monsenergue, Quai de Norfolk, 83000 Toulon), jusqu'au 31 décembre 2019
NOM
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Sources : Ministère des Armées