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BEAD-air : les experts mènent l’enquête

Mise à jour  : 13/08/2013 - Auteur : CNE Laetitia Périer - Direction : DICOD

Situé sur la base aérienne 107 de Villacoublay, le bureau enquêtes accidents Défense-air (BEAD-air) a pour mission d’enquêter sur tous les accidents ou incidents aériens graves des aéronefs d’Etat. Objectif : comprendre ce qui s’est passé et émettre des recommandations de sécurité pour que cela ne se reproduise plus.

Mars 2012, aéroport d’Angoulême-Cognac. Au cours d’un vol d’instruction, un Grob 120 de l’école de pilotage de l’armée de l’Air se pose train rentré. L’équipage est indemne mais l’aéronef est endommagé. Que s’est-il passé ? C’est la question que se posent les enquêteurs du bureau enquêtes accidents Défense-air (BEAD-air) après chaque accident ou incident aérien grave concernant un aéronef d’Etat, qu’il appartienne à l’armée de Terre, à l’armée de l’Air, à la Marine nationale, à la Direction générale de l’armement (DGA), à la douane, à la sécurité civile ou encore à la gendarmerie nationale. Leur objectif : « Comprendre ce qui s’est passé, pourquoi cela s’est passé et émettre des recommandations de sécurité pour que cela n’arrive plus, résume le lieutenant-colonel Pierre-Yves Martin, adjoint au chef de la division investigations. Notre but est de faire de la prévention, pas de trouver des coupables. »

Un coup de téléphone et l’enquête est déclenchée. Informé d’un événement qui vient de se produire en métropole ou sur un théâtre d’opérations extérieures, le BEAD-air envoie sur le lieu de l’accident une équipe dirigée par un directeur d’enquête technique et un enquêteur adjoint. Afin de préserver les indices de toute nature et recueillir les tous premiers éléments, un enquêteur de première information (EPI), susceptible d’appartenir à n’importe quel organisme d’Etat et proche du lieu de l’accident est choisi parmi la centaine d’EPI couvrant le territoire pour se rendre au plus tôt sur place. Quarante huit heures après l’événement, un « message de premières informations » est rédigé, exposant les éléments déjà recueillis et éventuellement les premières recommandations de sécurité. La phase d’expertise et d’analyse commence alors. « Nous abordons une enquête sans a priori, explique le lieutenant-colonel Martin. Nous étudions d’abord l’environnement de l’aéronef, puis l’appareil – ou l’épave, si c’est ce qu’il reste. S’il y en a, nous récupérons les enregistreurs de vol, nous recueillons les témoignages, voire des photos prises par des gens qui se trouvaient à proximité. »

A partir de ces éléments et des relevés techniques, les enquêteurs vont s’orienter vers un ou plusieurs domaines d’analyses pouvant expliquer les causes de l’accident. Parmi eux, l’environnemental (météo, infrastructure). En mai 2012, deux secouristes sont blessés par des chutes d’arbres au cours d’une opération de secours menée à l’aide d’un hélicoptère de la sécurité civile. L’enquête conclut que ces chutes ont été provoquées par le souffle du rotor, mais que l’équipage ne pouvait pas soupçonner que les arbres de la zone étaient fragilisés par des chutes récurrentes de cailloux.

L'environnement, l'aspect technique et les facteurs humains et organisationnels au cœur des analyses

Autre domaine d’analyse : l’aspect technique (pannes, défauts de conception, matériel inadapté). En mai 2004, à Fort-de-France, un C-160 de l’armée de l’Air en début de roulage s’enflamme. L’équipage évacue sans dommage l’appareil. L’enquête conclut que l’incendie a été déclenché par un arc électrique au niveau de câbles d’ancienne génération de la pompe avant du réservoir.

Enfin le domaine des facteurs humains et organisationnels. Beaucoup plus vaste que les deux précédents, il englobe à la fois les actes dangereux, mais également toutes les conditions ayant pu influencer ces actes : charge de travail trop élevée, formation inadéquate, planification incomplète de la mission ou encore stress ayant conduit à un déficit d’attention…

Précisions avec le lieutenant-colonel Jean-Marc Imbault de la cellule instruction-standardisation : « Lorsque nous suspectons un facteur humain et organisationnel d’être la cause d’un accident, nous utilisons la grille HFACS (Human Factor Analysis and Classification System – système de classification et d’analyses des facteurs humains). Mise au point par deux chercheurs américains, Shappell et Wiegmann, elle nous permet de classer tel ou tel facteur dans des cases bien précises – actes dangereux, conditions préalables aux actes dangereux, supervision et influences de l’organisation. »

Même si les onze enquêteurs du BEAD-air possèdent des compétences avérées en tant que pilotes, contrôleurs aériens ou ingénieurs, ils font régulièrement appel à des aides extérieures : trois experts (pilote, mécanicien et médecin) désignés par l’organisme dont relève l’aéronef, puis, en fonction des besoins, des spécialistes. Ces derniers peuvent être des chercheurs de l’Institut de recherche biomédicale des armées de Brétigny-sur-Orge, appelés en renfort pour comprendre le comportement des acteurs ou l’ergonomie de l’appareil, ou des spécialistes de la motorisation et des fluides de la DGA. Il leur est même possible de créer des films d’animation en 3D, comme l’explique Christian Le Bouche, de la cellule expertises-logistique : « Si l’on a la chance de disposer des enregistreurs de vol, le CVR (cockpit voice recorder – enregistreur des conversations dans le cockpit) et le FDR (flight data recorder – enregistreur des paramètres de vol), nous pouvons reproduire la séquence et nous faire une meilleure idée de l’enchaînement des événements. Avec le CVR, nous pouvons connaître les échanges entre les membres d’équipage et l’environnement sonore de la cabine. »

Au terme de chaque enquête, un rapport en quatre parties est publié. Il présente les faits relatifs à l’événement ; la formulation d’hypothèses pour l’expliquer et la démonstration qui permet de les rejeter ou de les juger possibles, probables ou certaines ; les conclusions de l’enquête et, enfin, les recommandations de sécurité. Pour une seule et même investigation, plusieurs causes peuvent être identifiées. Ainsi, en 2009, une panne technique, une mauvaise météo et des procédures partiellement bien appliquées par le pilote entraînèrent la sortie de piste d’un Super Etendard modernisé de la Marine. Aujourd’hui, 6 % seulement des causes recensées relèvent de l’environnement, 14 % sont dues à des défaillances techniques alors que 80 % entrent dans la catégorie facteurs humains et organisationnels. En dépit de cette prépondérance, les nombreuses procédures mises en place pour éviter les erreurs et le contrôle croisé des membres d’équipage permettent de réduire les erreurs humaines et d’obtenir un niveau de sécurité particulièrement élevé.

Comment devenir enquêteur de première information ?

Sur la base du volontariat au sein des organismes étatiques, le candidat suit une formation à l’issue de laquelle il reçoit l’agrément du directeur du BEAD-air. Au cours de ce stage, l’EPI (enquêteur de première information) aborde le contexte juridique et règlementaire des enquêtes techniques, la méthodologie des investigations (examen du site, de l’épave, des systèmes et du poste de pilotage…) et les techniques d’entretien des témoins. Une vingtaine d’EPI est ainsi formée chaque année.

Qualités requises : forte motivation, capacité d’organisation et aptitude certaine à l’intelligence des situations. L’EPI doit également pouvoir se dégager rapidement de ses obligations, sur une période qui peut atteindre plusieurs semaines.


Sources : Ministère des Armées