Accueil | Salle de presse | Discours | Discours de Genièveve Darrieussecq à l'occasion du dévoilement de plaques d’hommage au Tata sénégalais de Chasselay (Rhône), le 27 janvier 2022 Salle de presse ... Discours | Discours de Genièveve Darrieussecq à l'occasion du dévoilement de plaques d’hommage au Tata sénégalais de Chasselay (Rhône), le 27 janvier 2022

Discours de Genièveve Darrieussecq à l'occasion du dévoilement de plaques d’hommage au Tata sénégalais de Chasselay (Rhône), le 27 janvier 2022

Mise à jour  : 27/01/2022

Vous trouverez ci-joint le discours de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, prononcé à l’occasion du dévoilement de plaques d’hommage au Tata sénégalais de Chasselay (Rhône), le 27 janvier 2022.

 

Seul le prononcé fait foi.

Contacts media :

 

Cabinet de la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées

midarm-communication.contact.fct@intradef.gouv.fr

01 72 69 23 04

Centre media du ministère des Armées

media@dicod.fr

09 88 67 33 33

Monsieur le préfet,

Monsieur le maire de Chasselay,

Madame, monsieur les parlementaires,

Monsieur le commandant de la zone de défense et de sécurité Sud-Est, général,

Mesdames les conseillères régionale et départementale,

Mesdames et messieurs les élus,

Monsieur le recteur,

Madame la directrice de l’ONAC-VG,

Chers porte-drapeaux et représentants du monde combattant,

Chers enfants et élèves,

Un salut particulier à Julien Fargetas, directeur départemental de l’ONAC-VG. C’est grâce à son travail d’historien, grâce à ses recherches minutieuses et patientes que continue de s’écrire la mémoire du 25e régiment de Tirailleurs sénégalais.

 

Aly Boudi LY et 24 autres.

 

Songué SARR, Guillé FAYE, Friki KAMARA, Abdou SECK, Issouf KONG …

 

Vingt-cinq noms et prénoms. Vingt-cinq hommes du 25ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais.

 

Autant de stèles identiques dans cette nécropole.

 

Autant de combattants, morts loin de leur terre natale, reposant à l’ombre du drapeau tricolore et dans ce morceau d’Afrique niché en terre rhodanienne.

 

Autant de soldats morts pour la France en juin 1940, il y a 80 ans, ici-même. Autant de combattants inconnus désormais nommés, connus, reconnus et honorés. Nous en sommes tous conscients, la reconnaissance individuelle, personnalisée commence par un nom et un prénom.

 

Une nouvelle fois, ensemble, nous répondons à un vœu, à une aspiration, à une exigence même. Celle formulée par Léopold SÉDAR SENGHOR qui écrivait dans sa fameuse œuvre dédiée aux tirailleurs sénégalais morts pour la France : « On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. Vous, mes frères obscurs, personne ne vous nomme. »

Aujourd’hui, nous faisons en sorte que ces frères d’armes, unis dans le combat comme dans la tragédie, ne restent pas des morts obscurs. Et je vois chère madame votre émotion, elle dit tout, elle résume tout. Chaque nom ainsi dévoilé est une histoire de vie. 80 ans après, c’est le nom d’un père, d’un grand père, d’un arrière-grand-père qui ressurgit et qui ravive vos racines familiales.

 

Le soldat de 2ème classe, Aly Boudi LY, avait 31 ans, il était né en Mauritanie.

 

Le soldat Assane GAYE avait 26 ans, il était né au Sénégal.

 

Ils étaient sénégalais, maliens, guinéens, ivoiriens, gabonais… Ils n’avaient pas tous la même histoire ni les mêmes parcours. Ils sont unis pour l’éternité, à la mort comme au front.

 

En sortant ces noms de l’oubli, nous accomplissons un geste de mémoire pour les tirailleurs morts à Chasselay. Nous rappelons à nouveau leur histoire, nous signifions notre refus d’oublier et notre volonté de transmettre aux jeunes générations.

Chacun à Chasselay connaît les évènements de ce drame, les minutes terribles de ce crime de guerre. 

 

C’était à l’heure où le pays semblait rouler vers l’abîme. Mais à l’heure aussi où l’armée des Alpes tenait avec opiniâtreté face à l’offensive italienne, où de courageux bataillons affrontaient la déferlante allemande au nord puis au sud de Lyon. Dans ce tumulte sans borne de juin 1940, le 25ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais fut enjoint à tenir « sans esprit de recul ». Ils l’ont fait. Jusqu’à la dernière cartouche. Sans se résigner à l’abandon, sans trahir leur valeur. Car ils étaient des braves. Car ils étaient des hommes d’honneur et des soldats résolus.

Nous honorons, certes des victimes, mais aussi, et peut-être surtout, des combattants qui, malgré une faible expérience du combat, ont accompli des faits d’armes remarquables et ont lutté avec acharnement.

En maints endroits de ce champ de bataille, les 19 et 20 juin 1940, l’armée allemande a commis des crimes de guerre à l’encontre, tout particulièrement, des soldats africains. Ces derniers ont été séparés de leur frères d’armes européens et blancs. Certains ont été traqués. Ils sont nombreux à avoir été sommairement et sauvagement exécutés. Ils payèrent de leur vie la couleur de leur peau. Le massacre de Chasselay marque le paroxysme de cette folie meurtrière mais en annonce tellement d’autres.

En sortant ces noms de l’oubli, nous accomplissons un geste d’histoire en rappelant, notamment aux plus jeunes, la nature profonde du nazisme, du totalitarisme et des extrémismes.

Les crimes de guerre de Chasselay appartiennent à une longue série d’exactions et d’actes de barbaries commis à l’encontre des soldats noirs. Plus de 3 000 tirailleurs sénégalais ont été passés par les armes dans la Nièvre, dans l’Oise, dans la Somme, en Franche-Comté, dans la Sarthe… Les pratiques nazis de traitements discriminatoires brutaux, de chasse à l’homme, d’assassinats de masse, de « guerre raciale », de déshumanisation jusque dans la mort, annoncent les déferlements de violence systématique en Europe de l’Est. 

En disant cela, je tiens à rappeler avec force une vérité à ne jamais étouffer : le racisme tue, la haine corrompt les âmes, le fanatisme consume les esprits. Ils nous ont toujours mené vers le pire. Les événements et les héros que nous commémorons sont autant de leçons du passé qui doivent guider nos pas et nos choix. En France, pays d’histoire et d’historiens ; pays de passions et de passionnés ; la mémoire est un pilier de notre cohésion nationale. Autant de raisons pour se lever contre le dévoiement de nos valeurs, contre la manipulation des faits historiques et l’instrumentalisation de la mémoire à des fins politiques. Autant de raisons pour défendre notre pacte républicain.

 

Car oui, je crois, nous croyons dans cette République qui honore dans l’unité et qui regarde son histoire en face, sans faiblesse, sans oubli, sans exclusion. Qui pose un regard lucide, critique, objectif, sur un passé souvent complexe, qui refuse la simplification et les caricatures. Car nous aimons l’histoire pas les polémiques, car nous aimons transmettre la mémoire, pas la compromettre.

 

 

 

 

 

En sortant ces noms de l’oubli et en nous rassemblant aujourd’hui, nous marquons notre attachement à ce lieu si original, si singulier, à cette seule et unique nécropole nationale dédiée aux combattants africains. Le Tata sénégalais de Chasselay, sentinelle de mémoire, est un témoignage de la barbarie nazie et un creuset de la mémoire partagée entre la France et l’Afrique. Il est un pont entre deux continents.

 

En sortant ces noms de l’oubli, nous rappelons le lourd tribut payé par les combattants africains venus défendre une terre lointaine, une terre souvent inconnue, une terre à laquelle ils ont à jamais mêlé leur sang. Souvenons-nous que durant la Grande Guerre et la Seconde Guerre mondiale, notre pays a pu compter sur le concours de très nombreux soldats africains.

 

Ne l’oublions jamais. C’est d’Afrique que vinrent les nombreux combattants qui ont permis de forger l’espérance d’une victoire française : Français d’Afrique du nord, pieds noirs, tirailleurs algériens, marocains, tunisiens, zouaves, spahis, goumiers, tirailleurs d’Afrique subsaharienne.

Ils se sont illustrés dans tous les combats, de Koufra à l’Italie, de la Corse au débarquement de Provence. Nous leur devons ferveur et reconnaissance, nous leur devons honneur et fierté, souvenir et mémoire.

 

Alors, oui. Aux Tirailleurs de 14, à ceux de 40 et de 44, la France, aujourd’hui, renouvelle sa reconnaissance et sa gratitude.

 

Au cours de ce mandat, nous avons voulu aller plus loin que la gratitude. Nous avons valorisé cette mémoire, nous l’avons faite mieux connaître, nous avons orienté la lumière mémorielle sur un pan d’histoire trop souvent ignoré. C’était le souhait du président de la République en lançant un appel aux maires de France pour qu’ils baptisent des rues, des places, des squares, des écoles en l’honneur de soldats venus de l’autre côté de la Méditerranée pour combattre au nom de la France et pour la France. Parce que, je cite le Président, « les noms, les visages, les vies de ces héros d’Afrique doivent faire partie de nos vies de citoyens libres parce que sans eux nous ne le serions pas. »

 

En sortant ces noms de l’oubli, nous redisons notre message de respect, d’humanité et de fraternité. Et plus encore nous l’adressons à tous les jeunes présents aujourd’hui. Je vous remercie tous pour votre participation.

Vous êtes des sourires d’espérances et une leçon d’optimisme pour la France de demain.

 

 

 

 

Vous êtes l’incarnation du travail que nous menons en faveur du lien armées-nation, de l’engagement, de l’apprentissage citoyen et du travail de mémoire. Ainsi, conscients de votre histoire, vous perpétuerez cette France qui ne baisse pas la garde face à l’extrémisme, aux discriminations et à la haine. Vous êtes les ambassadeurs d’une jeunesse éclairée qui s’avance pour que la République ne se détourne jamais de ses valeurs

 

Vous êtes notre avenir et la fraternité qui ne plie jamais.

 

Vous êtes les porteurs de mémoire d’une France reconnaissante aux combattants venus d’Afrique.

 

Parce que nous sommes là aujourd’hui, nous sommes tous les dépositaires d’une promesse : ne jamais oublier.

 

Vive la République !

Vive la France !