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Discours de Florence Parly, ministre des Armées - 60 ans de la DAM

Mise à jour  : 21/11/2018

Madame Florence Parly,
ministre des Armées

60 ans de la Direction des applications militaires

Paris, le 21 novembre 2018

– seul le prononcé fait foi –

Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le chef d’état-major des Armées,
Madame la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale,
Monsieur le délégué général pour l’armement,
Monsieur l’administrateur général du CEA,
Monsieur le directeur des applications militaires,
Mesdames et messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs,

« Plus jamais ça ». Cette phrase a suivi bien des guerres, bien des conflits. Elle résonne en nous comme autant de souvenirs douloureux, de récits hantés par la peur et le poids des disparus.

« Plus jamais ça ». Voilà ce qui a forgé dans nos esprits une certitude : la paix n’a pas de prix, la liberté a besoin d’un glaive et d’un bouclier.

Notre Nation avait besoin d’une arme qui la protège. D’une arme qui montre que, jamais, on ne peut se jouer de la France. La France devait affirmer son indépendance, elle devait s’assurer que sa voix soit écoutée, entendue.

En un mot, la France avait besoin de la dissuasion. Elle avait besoin de ses ingénieurs, de ses chercheurs, de ses militaires et de ses diplomates. Elle avait besoin du Commissariat à l’énergie atomique, de la Direction des Applications Militaires.

La naissance de la DAM correspond à celle de la Ve République. Ce n’est pas un hasard. La Ve République nous a donné la stabilité, la capacité à agir et nous défendre. La DAM a donné à la France son assurance vie.

Car en deux ans à peine, grâce au travail acharné de tous, la France réalisait son premier essai nucléaire et le 13 février 1960, suivant le mot fameux du Général de Gaulle : « Hourra pour la France : depuis ce matin elle est plus forte et plus fière ». En 60 ans d’histoire, la DAM a permis de garantir l’adaptation de notre dissuasion aux évolutions des menaces, de concevoir des têtes nucléaires adaptées à la nécessité du mirvage, de développer des compétences en électromagnétisme pour concevoir des têtes nucléaires furtives, indétectables aux radars. La DAM a assuré la persistance et la fiabilité de la composante aéroportée. Elle a relevé le défi, si délicat, de la composante océanique. Elle a permis des avancées technologiques, elle a placé notre pays à la pointe de la modernité, de la recherche et de la sureté nucléaire. Elle a réussi le programme simulation, véritable pari scientifique et technique, lancé après l’arrêt des essais nucléaires. François Mitterrand, au moment d’ouvrir cette nouvelle page, avait alors exprimé sa confiance dans la capacité des scientifiques de la DAM à relever cet immense défi: « Il faut que le programme de simulation se fasse sans essais nouveaux. C’est difficile ? Alors, il faut chercher. C’est votre métier de chercher et vous en avez la compétence. Nous disposons d'assez de savants, d’assez de chercheurs, d’assez d'ingénieurs, d’assez d'imagination et de courage ». Vous lui avez donné raison.

La DAM a surmonté chaque changement, chaque obstacle. Et à chaque étape, elle a poussé nos technologies, toutes nos technologies vers le haut.

Le rôle de la DAM a évolué, aussi, avec de nouvelles missions, comme la lutte contre la prolifération, la propulsion nucléaire, la contribution aux activités non nucléaires intéressant la Défense, l’ouverture du programme « Simulation vers le monde scientifique et de l’industrie ». Cette évolution du rôle de la DAM, elle s’est traduite par la participation du Directeur des applications militaires au Conseil des armements nucléaires, mais aussi par l’intégration de scientifiques de la DAM dans les équipes diplomatiques, comme pour les négociations sur l’accord nucléaire iranien.
La Direction des applications militaires, c’est donc bien plus que les concepteurs de notre dissuasion. C’est un coeur stratégique. C’est l’épicentre de l’innovation, de l’expertise et de la sécurité. C’est l’acteur indispensable, sur le long terme, de notre souveraineté.

J’ai vu ces dernières semaines les forces garantes de notre dissuasion. J’ai vu la force océanique stratégique, dont nous avons célébré la 500e patrouille d’un SNLE. J’ai rencontré à Istres les forces aériennes stratégiques, à qui le nouvel A330 Phénix ouvre des horizons décuplés. J’étais avec la semaine dernière encore avec la force aéronavale nucléaire, qui bénéficie d’un porte-avions rénové. Il y a un an, je vous rencontrais à Bruyères-le-Châtel. Aujourd’hui, je retrouve le CEA et la DAM, vous les concepteurs, les réalisateurs et les garants de la crédibilité de notre dissuasion. Sans votre travail, l’engagement de nos forces pour la dissuasion serait inutile, vain.

Vous êtes ces femmes et ces hommes, capables de vous dépasser, d’exceller, de relever tous les défis. Vous êtes ces serviteurs de la France, dévoués, essentiels. Vous acceptez bien souvent d’agir dans l’ombre mais notre pays n’oublie pas ce qu’il vous doit.

J’ai rencontré successivement chacun de ceux qui offrent à la France sa dissuasion. Mais nul ne peut vous imaginer une seconde, les uns sans les autres. L’OEuvre commune n’est pas un vain mot.

L’œuvre, car la minutie, la précision et l’extrême vigilance sont impératifs. Commune, car chacun a sa place, son rôle, précis, exigeant, et que quiconque y manquerait, mettrait en péril la sécurité de toute la France.
L’œuvre commune n’est pas une formule qui aurait perdu son sens au fil des ans et des discours. Non. L’OEuvre commune, c’est l’exigence qui se rappelle à tous. C’est bien plus qu’un partenariat entre CEA, DGA Armées, entre politiques, militaires, ingénieurs et diplomates. C’est une intimité d’objectifs, d’ambitions et de moyens. C’est un lien puissant, une famille, indéfectiblement soudée pour assurer la souveraineté de la France.

En 60 ans d’histoire, en 60 ans de ce lien, les défis ont changé. Nous avons assisté à plusieurs révolutions technologiques. Nous avons réussi tant de succès techniques, tant d’aventures humaines. Nous avons vu le monde changer, des blocs s’affronter et connu l’angoisse d’un conflit nucléaire.

Aujourd’hui, la Guerre froide est finie. Nos espoirs de paix étaient nombreux, forts. Beaucoup ont cru à la fin de l’Histoire. Elle s’est durement rappelée à nous.

Mais loin des blocs, comment prouver l’utilité d’une Arme dont le paradoxe est de ne jamais être utilisée ? Comment justifier à l’heure où nos adversaires évoluent, de conserver un outil que certains dénoncent et trouvent daté ?

Ma réponse est simple : la naïveté ne doit pas être une menace supplémentaire.

Regardons le monde en face, sans ambages ni idéologie. La prolifération est une réalité et nul ne peut deviner le comportement de certaines nations si elles venaient à maîtriser l’arme nucléaire.

Les menaces sont plus vives, les attaques plus imprévisibles, les adversaires plus nombreux. Leurs méthodes changent et la diffusion des nouvelles technologies peut remettre en cause, durablement, notre supériorité militaire.
Et dans ce monde qui a tant besoin de stabilité, les alliances vacillent et les accords internationaux volent en éclat. L’accord iranien, brisé, ouvre la voie à des risques insondables. Le traité sur les forces nucléaires intermédiaires est menacé et l’avenir du traité New Start plus que jamais incertain.

Alors que le Royaume-Uni s’est engagé dans la voie du BREXIT, la France restera le seul Etat doté de l’Union Européenne

J’espère infiniment la paix, mais je constate la brutalisation, le recours plus systématique aux politiques d’intimidation et à la compétition stratégique.

Je n’ai fait ici qu’une simple addition de constats. Alors ma question est simple : pouvons-nous nous permettre de baisser la garde ? Pouvons-nous risquer, aujourd’hui, d’exposer nos intérêts vitaux, notre indépendance, notre Liberté ?

Non. Résolument non.

Ce n’est pas seulement un anniversaire que nous célébrons aujourd’hui. C’est surtout une étape, presque un maillon.

Votre travail n’est pas fini, au contraire. Les étapes qui s’annoncent pour la DAM, pour notre dissuasion sont majeures, nous ne pouvons pas les négliger.
Il nous faut d’abord, comme l’a voulu le Président de la République, et grâce aux moyens prévus dans la loi de programmation militaire, renouveler les deux composantes de notre dissuasion. Entre 2019 et 2023, ce sont 25 milliards d’euros qui seront investis pour la dissuasion. Cet investissement majeur va nous permettre de maintenir la cohérence de notre dissuasion. Il nous permettra de disposer des meilleures capacités, des plus sûres, des plus innovantes. Cette rénovation enverra aussi un message : la dissuasion française est crédible et elle le restera.

Nous devons garder un oeil fixé vers l’avenir, vers les nouvelles technologies et l’innovation. Nous devons profiter de toutes les opportunités et des nouvelles méthodes qui se présentent. A Cadarache, le réacteur nucléaire d’essai, le RES, a divergé pour la première fois. Il offre une opportunité inestimable pour notre R&D, de faire nos tests à terre, d’avancer fortement mais sans prendre de risques. C’est une petite révolution qui se joue et je me rendrai le 29 novembre au centre du CEA de Cadarache pour la célébrer avec vous.

Il nous faut ensuite veiller à garder un oeil vif, ouvert, vigilant sur toutes les évolutions du contexte international. Il y a eu le temps des fondements de la dissuasion. Lui a succédé l’heure des espoirs de paix. Aujourd’hui, nous entrons dans un troisième âge nucléaire. Un âge marqué par l’incertitude et la multiplicité des acteurs. Un âge où la guerre se fait parfois par procuration. Un âge où les géométries des enjeux se superposent, où rivalités entre grandes puissances et conflits régionaux s’entremêlent.

Dans cet âge, nous avons besoin, peut-être plus que jamais, de la DAM, de nos forces nucléaires, de nos Armées et de la DGA. Nous avons besoin de cette oeuvre commune qui seule, protègera sûrement et durablement la France et son indépendance.
Mesdames et messieurs,

Je ne peux imaginer la France sans sa dissuasion. Je ne peux imaginer la liberté sans sa garantie la plus forte, la plus ultime.

Depuis 60 ans, vous en êtes les artisans. Le travail ne s’arrête pas, au contraire. Notre pays a encore bien besoin de vous.

Vive la Direction des Applications Militaires !

Vive la République ! Vive la France !