Fin juillet 2014, à peine débarqué de l’avion lors de son arrivée aux Emirats arabes unis (EAU) pour prendre en charge le soutien logistique pour les forces françaises aux EAU (FFEAU), le chef d’escadron Benoit entre de plein fouet dans les prémices de l’opération Chammal. Le commandant affiche désormais plus de 1 000 jours à cette opération, contribution française de l’opération Inherent Resolve menée par la Coalition internationale. Interview de ce précurseur qui a vu naître l’opération.
Quels souvenirs gardez-vous de votre arrivée ?
« Arrivé fin juillet 2014, il n’y a pas eu de temps mort ! Dès le début du mois d’août, nous nous sommes attelés à planifier le soutien humanitaire au profit des Yézidis qui étaient coincés sur le mont Sinjar, en Irak, encerclés par Daech. Le largage de vivres a eu lieu fin août en liaison avec les forces américaines. Et à partir de là, tout s’est enchainé. Le 19 septembre 2014, l’escadron de chasse de la base aérienne française aux EAU a réalisé les premières frappes aériennes, c’était le début de l’opération Chammal ! Là, j’ai aussi assumé la fonction d’adjoint interarmées du soutien aux munitions (AISM) durant un an et demi jusqu’à l’arrivée d’un spécialiste des munitions début 2016 ».
Issu de l’armée de terre, vous gériez des bombes pour les missions de frappes aériennes, étiez-vous familiarisé avec ce type de matériel ?
Le commandant n’a pu réprimer un rire avant de répondre : « Non pas du tout ! J’ai tout découvert ici. Les débuts n’ont pas été faciles, j’ai appris en marchant ! A l’époque, je me suis rapproché de l’Etat-major opérationnel (EMO) Air, du centre de soutien aux opérations et d’acheminement (CSOA) et de l’équipe d’armuriers de la base aérienne pour me faire expliquer. Ils ont été d’un grand soutien ».
Quel était votre parcours avant votre affection aux EAU ?
« Avant ma mutation aux EAU, j’ai toujours travaillé dans la logistique. En 1995, je me suis engagé en tant que sous-officier. J’ai passé le concours officier en 2001 où j’ai choisi l’arme du train c’est-à-dire tout ce qui a trait à la logistique et au transport. Après 3 ans d’école, j’ai été affecté au 519ème régiment du train qui est devenu en 2011, le 519ème groupement de transit maritime à Toulon. Je travaillais déjà sans des structures interarmées donc l’arrivée aux FFEAU était une suite logique de ma carrière ; qui ne s’est pas déroulée tout à fait comme prévu ».
Racontez-nous vos 3 années en tant que responsable et coordinateur logistique interarmées.
« Comme vous l’avez compris l’opération Chammal débuta à partir des forces pré positionnées aux EAU. Le contre-amiral, commandant les FFEAU et la zone maritime de l’océan indien, aujourd’hui responsable de l’ensemble du soutien logistique de l’opération (fonction de National Contingent Commander, NCC), était jusqu’à l’été 2016 également responsable opératif (Senior National Representative, SNR). A mon arrivée, j’ai donc mis en œuvre la logistique de l’opération sous l’autorité du sous-chef logistique des FFEAU, devenu également adjoint soutien interarmées (ASIA) pour l’opération Chammal.
Au début, pour tout le soutien logistique, nous étions six (rires) : l’ASIA, moi le responsable logistique, deux spécialistes chargé de l’acheminement et de la gestion du matériel, le chargé des effectifs déployés et le chargé du soutien financier de l’opération. Les premiers mois ont été intenses. Les renforts sont arrivés petit à petit au à partir d’octobre 2014, et heureusement car la base aérienne projetée (BAP) en Jordanie a été mise en place en novembre 2014. A partir de décembre, la BAP a elle aussi commencé à frapper les positions de Daech et d’un coup, nous avions donc deux structures à approvisionner.
Dès lors, le besoin en matériel de toutes sortes a été tel que nous avons tous cumulé les casquettes : chef de la logistique des FFEAU et de la logistique de l’opération Chammal, détaché de liaison du service interarmées des munitions (DL SIMu) puis officier traitant Koweït et Irak pour l’opération (i.e., rôle transverse de gestion et suivi de tout dossier logistique concernant ces deux pays). Nous avons contribué à la montée en puissance de la BAP, la projection en Irak des premiers militaires1 déployés pour former l’état-major et les troupes irakiennes, le déploiement du groupement aéronaval (GAN), le déploiement en août 2016 des canons CAESAR…et toute la logistique nécessaire aux matériels et aux hommes déployés.Au fur et à mesure de l’arrivée des renforts, nous avons pu réorganiser la division logistique en transférant certaines fonctions et axer nos travaux davantage sur la planification. De mes collègues présents au tout début en 2014, nous ne sommes plus que deux à être encore en poste. Je dis toujours, sans prétention, que nous sommes le canal historique de Chammal, nous dit-il avec le sourire. Nous avons assisté à son ouverture et participé à son évolution ».
Quels souvenirs gardez-vous de ces 3 années passées au service de l’opération ?
« En 3 ans, j’ai fait quelques progrès en logistique ! », s’amuse le commandant. « J’ai touché à tout : des munitions air ou d’artillerie, des problématiques de véhicules blindés à Bagdad, leur maintenance, la conduite des acheminements et du flux d’entretien, la coordination de la construction d’un bâtiment pour le SNR au Koweït…
Ce que je retiendrai, mon plus beau souvenir, c’est la réussite du déploiement du détachement d’artillerie qui a été un sacré challenge. En pleine période estivale, alors que les attentats de juillet 2016 à Nice ont entrainé une montée en puissance de l’opération Sentinelle, et qu’au Levant, La période estivale n’a pas aidé non plus. Résultat : manque de personnels en régiment pour préparer la mission. les combats en Irak se poursuivent, il nous a fallu préparer le déploiement du détachement d’artillerie au bon endroit et au bon moment pour soutenir les forces irakiennes de façon efficace. C’est ce qu’il s’est passé et j’en suis très fier ! ».
La riche expérience du CEN Benoit, souligne combien le travail du soutien des opérations impose un engagement sans faille et un rythme de travail intense, semblable à celui des militaires déployés sur le terrain. Durant ces trois années, le CEN Benoit a œuvré pour garantir la montée en puissance de l’opération Chammal et ainsi, participer pleinement au succès de l’opération OIR et au recul progressif du groupe terroriste Daech.
Lancée depuis le 19 septembre 2014, l’opération Chammal représente la participation française à l’OIR (Opération Inherent Resolve) et mobilise aujourd’hui près de 1 200 militaires. A la demande du gouvernement irakien et en coordination avec les alliés de la France présents dans la région, l’opération Chammal repose sur deux piliers complémentaires : un pilier « formation », au profit d’unités de sécurité nationales irakiennes et un pilier « appui », consistant à soutenir l’action des forces locales engagées au sol contre Daech au travers de la Task Force Wagram et à frapper les capacités militaires du groupe terroriste à l’aide du système d’armes RAFALE.
Sources : État-major des armées
Droits : Ministère de la Défense