L’aspirant Marjorie K. est navigatrice de combat sur Mirage 2000D, un avion d’attaque au sol. Elle est déployée actuellement au sein du détachement militaire français de La Sude, en Crète, dans le cadre de l’opération Harmattan.
Sa spécialité, désignée par l’acronyme NOSA pour Navigateur Officier Système d’Arme, est relativement méconnue, comparée à celle du pilote. Indissociable de ce dernier, le navigateur est positionné en place arrière. Une partie du travail de l’aspirant Marjorie K. consiste à gérer la mission sur le long terme. Elle réalise par exemple les calculs de carburant nécessaires pour rejoindre les ravitailleurs. C’est aussi elle qui met en œuvre l’armement. Dans le cas des Mirage 2000D, le pod de désignation laser est l’outil principal du NOSA. Il permet de désigner des objectifs aux avions qui n’en seraient pas équipés, notamment lors des vols en patrouille mixte, associant deux avions de type différent.
Témoignage:
Je suis arrivée à La Sude le 13 juillet pour un détachement de six semaines. Il s’agit de ma première OPEX (opération extérieure) depuis que j’ai obtenu ma qualification. Aujourd’hui, je pars pour un vol de nuit. Avant le décollage, je consacre environ une heure trente pour la préparation de la mission. Cette phase commence par le point de situation avec l’officier renseignement en salle des opérations. Je fais ensuite une mise à jour des derniers points d’intérêts utiles pour la mission. Il me faut aussi préparer le système de navigation en prenant en compte les différents points à surveiller et les principaux axes sur zone. Je dois encore passer une vingtaine de minutes pour préparer le briefing et le vol.
Vient ensuite le briefing. Seuls les membres d’équipage concernés et l’officier renseignement y participent. Cette étape est très technique. L’officier renseignement nous fait un exposé de la situation tactique et de tous les participants présents sur zone (avions de combat, ravitailleurs, AWACS…). À l’issue de cette présentation, nous attaquons le briefing inter-patrouille en suivant le déroulement du vol, du décollage à l’atterrissage. Nous nous attardons alors sur les tâches imparties à chacun pour le travail sur zone.
Nous disposons enfin d’une quinzaine de minutes pour le « dress ». En effet, les conditions de vol dans un avion de chasse nécessitent le port d’un équipement lourd mais indispensable. La tenue de vol inclut ainsi la combinaison anti-G, le casque, le gilet de combat, les sangles (en cas d’éjection)... Je rassemble ma documentation et mon matériel. C’est aussi la dernière occasion de prendre une courte pause et de manger quelque chose .
L’officier en charge de la sécurité des vols nous déroule une check-list du matériel que nous devons apporter à bord en cas d’éjection en territoire ennemi (pistolet automatique, carte de convention de Genève, plaques patronymiques, etc…). Le pilote et moi signons un registre auprès du bureau de piste pour la prise en compte de l’appareil.
Nous rejoignons enfin le parking avions en compagnie des pistards (mécaniciens de piste). Le pilote effectue le tour avion avec le pistard pendant que je m’installe en cabine pour vérifier l’armement et mettre en route mon système de navigation. Cela prend environ 10 minutes pour aligner les centrales inertielles. C’est un procédé de navigation qui permet à l’avion de se situer. J’en profite, par ailleurs, pour préparer mes pages d’armement et mon plan de vol. Un certain nombre de choses doivent faire l’objet d’un dernier contrôle avant le départ, notamment le pod de désignation laser avec lequel je guide l’armement, ou encore le système de contre-mesures électroniques qui me permet d’avertir le pilote en cas de départ de missile sol-air.
Puis le pilote met en route le moteur et réalise les derniers tests pendant le roulage. Vingt minutes plus tard, nous décollons vers la zone de travail. Le vol dure au total cinq heures trente et nous faisons trois ravitaillements en vol. Mon rôle, dans le cadre de l’opération Harmattan, comprend deux volets majeurs : la surveillance de l’activité au pod de désignation laser ; et la mise en œuvre de l’armement ainsi que son guidage sur l’objectif.
Au retour de mission, il nous reste encore le débriefing avec l’officier renseignement pour rédiger le compte-rendu au CAOC (Centre aérien des opérations combinées) qui est l’organe de commandement opérationnel au niveau de l’OTAN. Je dois aussi débriefer les tirs avec l’interprétateur photographique. Pour finir, nous assistons au débriefing du vol dans sa globalité avec tous les membres d’équipage ayant participé à la mission ce soir-là.
Il est temps de prendre un peu de repos après une nuit de travail qui aura duré près de douze heures.
Sources : EMA
Droits : Ministère de la Défense et des anciens combattants