L’Air Tasking Order (ATO) est le précieux sésame qui déclenche une mission aérienne. Cet ordre d’opérations reprend les éléments de toutes les activités aériennes alliées par journée sur la zone de combat. Depuis l’engagement de la France dans l’opération Inherent Resolve (OIR) en septembre 2014, un officier français participe à l’établissement de ce document de commandement et de coordination. Cet officier, appelé « ATO coordinator », est inséré dans la division planification du CAOC appelée « Combat Plans ». La composante aérienne de la coalition peut ainsi apporter un appui adapté aux demandes émises par les troupes amies engagées dans des combats au sol contre Daech. Elle peut alors réaliser des frappes dans la profondeur pour détruire les capacités militaires du groupe terroriste ou fournir un appui aérien rapproché sur les zones de contact. L’ATO précise donc, à la seconde, près la position de chaque aéronef et le rôle attribué à chacun. En revanche, il ne permet pas de réagir en temps réel face aux imprévus ou aux demandes en urgence pour lesquels le CAOC s’appuie sur les responsables de la conduite et les AWACS.
Un travail en réseau
« Le cycle de l’ATO est très court. Dès qu’une cible ou une zone d’alerte en vol est validée, la mission est aussitôt programmée », nous informe le CDT Bastien.Une cible se valide au niveau français après une analyse réalisée par un officier ciblage et un expert armement (Targetter weaponner, TW) du détachement français. Le CC Jean-Luc « étudie toutes les cibles proposées par la coalition et est chargé de dire si un armement français permettrait d’atteindre les effets désirés sans risque identifiable pour la population civile», nous précise-t-il.
A ce titre, il travaille dans le cadre strict des directives nationales françaises et étudie finement, en collaboration avec un interprète images et autres experts du renseignement, chaque point d’intérêt, les caractéristiques, l’environnement, l’importance dans le dispositif ennemi, l’effet recherché (destruction structurelle, fonctionnelle etc…) Il estime aussi les dommages collatéraux que la bombe pourrait infliger. Il rend ensuite compte aux autorités militaires françaises, chargées de valider les cibles et d’autoriser, ou non, les missions nationales de frappes aériennes.
Une partition bien réglée
Une fois la cible validée par la coalition et les autorités françaises, « l’ATO coord. » planifie la mission.Tâche difficile où toute la subtilité réside dans le fait de coordonner les impératifs de la mission (espace aérien, ravitaillement en vol…) avec les ressources non utilisées par les autres missions de la coalition, et le tout, dans un processus chronométré.
Inséré dans la division « Combat Plans » auprès des Américains, le CDT Bastien « inscrit dans l’ATO tous les détails de la mission en indiquant précisément le nom de l’aéronef, les heures de décollage et d’atterrissage, les coordonnées de la cible, les bombes emportées, les détails du ravitaillement en vol… Il réserve les « kill boxes » auprès de la coalition, c’est-à-dire les espaces aériens nécessaires à la mission, et prévoit une durée de validité ».
Il poursuit : « pour organiser le ravitaillement en vol, j’entre en lien avec un autre Français inséré, le CNE Mathieu qui est officier de liaison « LNO tanking » ou tout autre homologue allié. J’indique mes besoins et nous organisons le ravitaillement de l’aéronef français avec une heure, une zone et un tanker de la coalition bien identifiés. Tout est planifié et coordonné avec la Coalition ».
Cible verrouillée
Lorsque la mission est validée et programmée par les Américains, l’ATO est transmis aux escadrons. A ce moment-là, le relai est passé à la division « Combat Ops ». Le CNE Nicolas, LNO chasse français, devient le point de contact des unités et leur transmet la documentation opérationnelle nécessaire à leur préparation. Le jour J, il assure la conduite de la mission depuis la war room et gère les imprévus, en étroite collaboration avec les Américains. Objectif : mener à bien toutes les opérations aériennes, en sécurité pour nos pilotes, les forces amies et la population civile au sol.
L’intégration des Français au sein même du centre tactique de la coalition internationale offre une synergie qui présente un avantage indéniable pour l’emploi des moyens engagés par la France. Cette synchronisation entre les Français et les membres de la coalition, depuis la découverte des points d’intérêts jusqu’à la réalisation de frappe, est un facteur clé pour lutter efficacement contre Daech au Levant.
Lancée depuis le 19 septembre 2014, l’opération Chammal est le volet français de l’Operation Inherent Resolve (OIR). Il mobilise aujourd’hui près de 1 200 militaires. A la demande du gouvernement irakien et en coordination avec les alliés de la France présents dans la région, l’opération Chammal repose sur deux piliers complémentaires : un pilier « formation », au profit d’unités de sécurité nationales irakiennes (Task Force Narvik et Monsabert) et un pilier « appui », consistant à soutenir l’action des forces locales engagées au sol contre Daech et à frapper les capacités militaires du groupe terroriste par l’action combinée des moyens aériens déployés, de la TF Wagram et des bâtiments de la marine nationale.
Sources : État-major des armées
Droits : Ministère de la Défense