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Chammal : la chaîne de renseignement « AIR » au cœur du centre de commandement des opérations aériennes de la coalition (CAOC)

Mise à jour  : 26/07/2017

Les Français au CAOC : du renseignement au processus de ciblage.

« La partie immergée de l’iceberg », c’est ainsi que peut être qualifié le domaine du renseignement. Un travail d’enquêteurs, très normé et réalisé par une multitude d’experts, qui aboutit au ciblage des points d’intérêts (POI, « points of interest ») de Daech dont la neutralisation peut s’avérer décisive pour sa défaite. Zoom sur une face cachée du CAOC.

Dans le cadre de l’opération Inherent Resolve (OIR), le CAOC contrôle toutes les opérations aériennes, selon les priorités fixées par le commandant de l’OIR. Il planifie les missions des aéronefs de la coalition que ce soit à des fins de renseignement, de logistique ou de frappes. Afin de coordonner au mieux les « effets » des missions aériennes avec les besoins des forces partenaires combattant au sol, le CAOC programme les moyens aériens à sa disposition. Les missions d’appui aérien[1], soutenant les offensives des troupes au sol, ainsi que les missions de frappe dans la profondeur[2], visant les capacités militaires ou logistiques de Daech, ne pourraient donc être menées sans le travail minutieux des spécialistes du renseignement. Au sein du CAOC, le centre de renseignement et de fusion de la coalition (CIFC, coalition intelligence and fusion cell) rassemble les capacités aériennes de recherche et d’exploitation de la coalition. C’est une interface entre toutes les nations engagées et notamment les acteurs du renseignement militaire français. Un Français est d’ailleurs inséré dans la CFIC en tant que chef de la branche « ciblage ».

Le renseignement : colonne vertébrale de toutes les missions

Au sein de la composante aérienne, le CIFC a pour mission de récupérer et de fusionner le renseignement provenant des capteurs et des différents organismes engagés sur le théâtre (d’origine image, humaine, électromagnétique…). Le CIFC est également alimenté par les travaux de la FRANIC[3], déployée au Koweït, et de la DRM[4] depuis la métropole. Le CIFC fait ensuite l’analyse de l’ensemble et la met à disposition des aviateurs de la coalition. En fonction des directives de la division « strategy » et du renseignement disponible, le CNE Rémy, chef de la branche ciblage du CIFC, est chargé d’orienter les futures pistes de travail. Avec son équipe, ils « épluchent tout le renseignement pour découvrir des POI » qui pourraient s’avérer vitaux pour le groupe terroriste et donc devenir des cibles.

Lorsqu’un point est découvert, « nous collationnons un maximum d’informations complémentaires en demandant éventuellement la reconnaissance aérienne des lieux » nous explique le chef du ciblage. En tant que français, le rôle du CNE Rémy est également « d’allier au mieux les intérêts de la coalition et ceux de la France en mettant en avant les moyens aériens nationaux. Dès que j’ai connaissance d’un dossier pouvant intéresser les éléments français, j’en informe le conseiller renseignement du chef du détachement français, le LCL Bernard. Nous faisons ensuite des propositions à la coalition » nous confie-t-il.

Un dialogue en continu

Faisant office d’intermédiaire entre la chaîne de renseignement française et celle de la composante aérienne de la coalition, le rôle du LCL Bernard au CAOC est d’entretenir le dialogue avec la FRANIC. A l’issue, il transmet, aux unités aériennes du théâtre, la liste des POI à couvrir pendant leurs missions d’ISR (intelligence, surveillance & reconnaissance). « Les pilotes préparent alors leur mission en fonction des points à filmer, des éléments qui ont été demandés (photos verticales, obliques, surveillance…), du besoin en ravitaillement en vol, de la météo, du créneau horaire… et de la situation du terrain, avec leurs officiers renseignement et leurs interprètes images » nous explique le conseiller renseignement.

Ces missions ISR, menées du côté français par les Rafale avec leur Pod reco NG et l’Atlantique 2 (ATL 2) avec ses nombreux capteurs permettent, grâce à leurs performances, de visualiser de manière très détaillée les lieux ou les personnes liés au groupe terroriste.  Toutes les images parviennent ensuite très rapidement au DAIC (Deployed Air Intelligence Center), centre expert de renseignement d’intérêt « air » basé quelque part dans la région. Le DAIC les annote et les enrichit en recroisant les données avec d’autres sources d’informations. Les dossiers sont ensuite transmis aux différents demandeurs, parmi lesquels la FRANIC, au niveau opératif, et la DRM au niveau stratégique.

Une décision mesurée par tous les acteurs

La finalité de ces missions ISR est de transformer de simples points d’intérêt en des dossiers d’objectifs appelés par la coalition Baseball Cards. Elles permettent également d’établir la situation tactique au profit du commandant de la force et de ses commandants de composantes. Le LCL Bernard nous l’affirme « le CIFC permet à la France de participer activement, au niveau de la composante aérienne, à la manœuvre renseignement de la coalition, en particulier pour le ciblage et la situation d’intérêt air ».

Le chef de la branche ciblage ajoute « qu’entre la découverte d’un POI et la frappe d’un objectif, il peut s’écouler jusqu’à 30 jours, voire davantage. Une analyse en profondeur est réalisée pour chaque point ! » Après de nombreuses études de l’objectif, son environnement et les analyses de dommages collatéraux éventuels, si la cible est confirmée par la coalition, le dossier est transféré aux experts de la chaîne opérationnelle.

Au sein de la coalition, la France est l’une des rares nations, à l’instar des États-Unis et du Royaume-Uni, à disposer en propre du savoir-faire et des moyens aériens permettant de mener de bout en bout le processus, ce que les Anglo-saxons appellent la kill-chain. Cela participe assurément au bon exercice du contrôle national sur l’emploi des forces armées et sur les cibles visées.

[1] Close air support

[2] Air Interdiction

[3] France Intelligence Cell

[4] Direction du Renseignement Militaire.


Sources : État-major des armées
Droits : EMA