En 2014, à la demande du gouvernement irakien et sur ordre du président de la République, la France s’est engagée aux côtés de la coalition dans la lutte contre Daech, en lançant l’opération CHAMMAL, nom de la participation française à l’opération INHERENT RESOLVE (OIR). Six années se sont écoulées depuis. Retour sur les temps forts qui ont marqué l’histoire de la Base aérienne projetée (BAP) au Levant.
Capitaine Flavien, officier de communication (OFFCOM) de la BAP en 2015, et conseiller communication (CONSCOM) de l’opération CHAMMAL en 2020 nous raconte son engagement :
« J'ai été engagé une première fois dans l'opération CHAMMAL de décembre 2015 à avril 2016 en tant qu'OFFCOM sur la BAP, quelques jours seulement après les attentats de mi-novembre à Paris. Durant ce mandat, la situation tactique a considérablement évolué : perdant l'initiative et mis sous pression en décembre par les frappes de rétorsion menées par la coalition, Daech fût contraint d'adopter une posture défensive et de reculer tant en Irak qu'en Syrie, affaibli par les offensives de reconquête des forces locales au sol et par les bombardements aériens. Les avions de chasse alors déployés sur la BAP étaient des Mirage 2000D et N dont le nombre passa de 6 à 8 à partir de février 2016. Le contexte opérationnel était particulièrement dense puisque de très nombreuses frappes furent réalisées durant cette période au cours de près de 500 missions cumulant environ 2000 heures de vol et 1200 ravitaillements en vol.
Outre l'augmentation du nombre de chasseurs projetés sur la base, cette période a été marquée, d'une part par l'implantation permanente sur la plate-forme d'un appareil de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2) de la Marine nationale et d'autre part, par le déploiement du Groupe aéronaval (GAN) qui, de mi-novembre à mi-mars, permis la réalisation de près de 100 frappes en 530 sorties.
Cinq années plus tard, pratiquement jour pour jour, devenu réserviste, je suis de nouveau engagé dans la même opération en qualité de CONSCOM de l’opération CHAMMAL basé au Koweït. Le principal changement est la situation tactique qui a considérablement évolué, l'opération étant passée dans une phase de stabilisation et de préparation de l'avenir.
Une même opération, deux ambiances, deux contextes mais un objectif inchangé : raconter au public le plus large et de la manière la plus pédagogique qui soit l'histoire de cet engagement. »
Présent en 2014 lorsque la BAP a été mise en place, l’adjudant-chef Mickaël, chef du dépôt de munitions, revient sur son expérience :
« En 2014, nous nous relayions par équipe de 10 par créneaux de 12 heures car, de jour comme de nuit, les avions décollaient pour effectuer des frappes. Nous avions même des renforts venus de Djibouti pour nous épauler. À l’époque le camp était beaucoup plus petit et tout – les chambres, les sanitaires, le mess, le foyer – était sous tente. En hiver quand il gelait, nous vivions dans des conditions assez rustiques mais cela renforçait l’esprit de cohésion. Je me souviens aussi de l’été 2016, lorsque la 1000e bombe a été tirée : en tant qu’armurier c’est un évènement marquant. »
Le capitaine Jean-Claude, chef de soutien opérationnel a été déployé à l’été 2015, l’hiver 2017 et de nouveau actuellement. Il a vu l’évolution des structures et de la piste :
« À l’été 2015, tout était sous tente, dans les chambres nous étions 10 et nous n’avions pas encore de bâtiments en dur. Nous arrivions et repartions le plus souvent par A310, depuis les aéroports civils locaux car la plateforme n’était pas encore adaptée pour accueillir nos avions militaires. Le premier A400M, qui nous permet aujourd’hui d’effectuer les relèves, s’est posé pour la première fois en 2017 à la suite des travaux du parking. Enfin, en tant que chef des contrôleurs et des météorologues, j'ai été marqué par la tempête de sable qui a sévi le 2 août 2015, arrachant sur son passage les tentes, notamment celles qui nous servaient de salle de sport et de foyer ».
Le sergent Nicolas, administrateur Harpagon sur Rafale revient quant à lui sur janvier 2019 :
Ce qui me reste de mes différents mandats sur CHAMMAL - je viens deux fois par an, chaque année depuis 2017 - ce sont les rencontres. On croise des personnes de toutes spécialités qui viennent de bases différentes. Ensuite, lorsque l’on fait des exercices et que l’on se déplace en France, on croise toujours un collègue, un ami, un frère d'armes. C’est très enrichissant. »
Enfin, le colonel Arnaud, actuel commandant de la BAP se remémore ses mandats en 2015 et nous parle, en cette date anniversaire, de la mission aujourd’hui :
« J’ai participé à deux mandats en tant que chef du détachement chasse, Mirage 2000D à l’été 2015 et Mirage 2000D et N à l’hiver 2015. J’ai eu l’occasion à cette époque-là de voir le conflit dans deux dynamiques différentes. En effet, pour le second mandat, j’ai été projeté 10 jours après les attentats de novembre 2015. Plusieurs évènements m’ont marqué lors de mes différents déploiements : tout d’abord, je me souviens d’une mission de nuit particulièrement difficile puisque des contraintes techniques et des pannes sont venues s’ajouter à la mission. J’avais pour cette mission mon jeune équipage opérationnel dans l’aile. Alors au « bingo » pétrole – quantité limite à ne pas dépasser avant de rentrer – nous avons tiré plusieurs munitions dans des conditions de réalisation complexes. C’est une fois au sol que nous avons découvert avec fierté que nous avions neutralisé un puissant chef de Daech qui s’apprêtait à commettre des attentats. Ensuite, je me souviens avoir été leader d’une patrouille de six Mirage 2000D/N (trois de chaque) en coopération avec trois Rafale et un tanker C135 français. L’intégralité de la flotte présente sur la BAP a ainsi été engagée, alors que c’était une journée de régénération organique, au profit d’une opération particulièrement visible pour la France au sein de la coalition. C’était la première fois que l’aviation française tirait des SCALP sur le théâtre Irako-Syrien et c’était surtout la première fois que l’on mettait des avions au-dessus de l’objectif pour vérifier les effets des munitions, et ensuite neutraliser d’autres objectifs d’un quartier général de Daech. On s’entraîne longtemps pour caresser l’espoir de participer à ce type de mission autant technique dans sa réalisation que sensible stratégiquement.
Aujourd’hui, de retour en tant que commandant de la base aérienne projetée, je découvre encore une nouvelle facette de l’opération CHAMMAL. J’ai eu l’occasion entre l’été 2015 et l’hiver 2015, en seulement quelques mois, de constater les nombreux changements sur le terrain et dans l’appui feu réalisé en participant aux opérations de reprise de Sinjar, aux batailles de Faloudja et Ramadi, ainsi qu’au début des opérations de reprise de Mossoul. Cinq ans après, la BAP constitue toujours ce dispositif agile et qui s’adapte rapidement à l’environnement. En effet, avec le Rafale par exemple, la polyvalence est mise en exergue comme un véritable facteur clef déterminant dans les opérations au sein de la coalition. Aux missions d’appui feu s’ajoutent les missions de reconnaissance et de défense aérienne. La BAP a permis de monter en capacité pour faire face aux besoins et aux impératifs opérationnels. Huit chasseurs ont ainsi parfois été employés depuis la base aérienne projetée de jour comme de nuit. La BAP peut dans de nombreux domaines, produire des effets essentiels (anticipation, coopération, intervention, reconnaissance, projection de forces et de puissances) au profit des intérêts français dans la région du Levant, du proche et du moyen orient. »
Lancée depuis le 19 septembre 2014, l’opération CHAMMAL représente le volet français de l’opération internationale INHERENT RESOLVE (OIR) rassemblant 80 pays et organisations. En coordination avec le gouvernement irakien et les alliés de la France présents dans la zone, l’opération CHAMMAL apporte un soutien militaire aux forces locales engagées dans la lutte contre Daech sur leur territoire. La Coalition internationale adapte en permanence son dispositif au Levant et la France poursuit son effort dans la région, car le combat contre le terrorisme continue. L’opération CHAMMAL se concentre désormais sur son pilier « appui » et compte 600 soldats insérés au sein des états-majors d’OIR ou sur les déploiements aériens et maritimes.
Sources : État-major des armées
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