Les instructeurs de la Task Force Narvik conduisent un stage un peu particulier depuis le mois de novembre. Il s’agit d’une instruction au profit de spécialistes du renseignement des forces spéciales irakiennes. Cette formation est dispensée à onze stagiaires de l’ICTS (Iraqi Counter Terrorism Service - service de contre-terrorisme irakien) triés sur le volet par leur hiérarchie, appuyés par trois instructeurs irakiens issus du domaine du renseignement. Ce stage, baptisé ICC (Intelligence Collecting Course), est actuellement la formation la plus poussée dispensée à l’ICTS par l’Armée française.
Les stagiaires appartiennent à des bataillons opérationnels de l’ICTS. Pendant les six semaines de formation, ils sont affectés à la 3e école de l’Académie de l’ICTS, à Bagdad. Ils y approfondissent leurs savoir-faire dans le domaine du renseignement et acquièrent des techniques spécifiques dispensées par quatre instructeurs français. Ces militaires français, tous qualifiés dans le domaine du renseignement tactique, sensibilisent plus particulièrement leurs camarades irakiens au renseignement conversationnel. L’objectif est de fournir aux Irakiens des outils efficaces pour recueillir du renseignement au plus près de la ligne de front. Une formation appréciée : « les Irakiens sont demandeurs et très motivés. C’est beaucoup mieux d’avoir un petit groupe pour cet enseignement très spécialisé. Ainsi, on approfondit davantage les thèmes abordés en s’attardant sur la technique » explique le lieutenant Brahim, chef de stage.
La formation débute avec les rudiments de l’informatique appliqués au traitement de données. Les stagiaires apprennent à transmettre leurs comptes rendus de manière formatée. Ils étudient ensuite les techniques d’interrogatoire. L’effort est porté sur l’étude des postures, la communication non verbale et les bonnes attitudes à adopter. Les cours théoriques sont immédiatement mis en situation sur le terrain. Par binôme d’abord, des jeux de rôles permettent d’appliquer les enseignements reçus. « On constate qu’on n’a pas les mêmes approches, les stagiaires sont très directs. On leur explique qu’il est bien de se focaliser sur l’information à récolter mais qu’il faut l’obtenir avec spontanéité et diplomatie. Pour cela, il est nécessaire de travailler sur la fluidité des conversations » explique le lieutenant Brahim. Pour être un bon capteur, il faut savoir rester naturel et maîtriser en permanence la conversation.
Pendant la dernière semaine se déroule un exercice de synthèse pour vérifier l’acquisition et la maîtrise des apprentissages. Avec un scénario minutieusement préparé et déroulé pendant plusieurs jours, les instructeurs français mettent en situation les élèves avec la complicité des instructeurs irakiens. Ces derniers jouent le rôle de sources, c’est-à-dire d’individus pouvant procurer des informations aux militaires. En retrait, les instructeurs français évaluent la capacité des stagiaires à collecter, analyser et faire remonter des informations afin de fournir au commandement du renseignement tactique de qualité. Les élèves devront notamment montrer leur capacité à s’adapter à leur interlocuteur en toute circonstance.
Le sergent-chef Mutaa, instructeur irakien, se plaît à incarner des personnages pour tenter de déstabiliser les stagiaires afin d’améliorer leur maîtrise : « après quelques semaines, on constate de réels progrès. Avant, ils n’osaient pas forcément conduire les entretiens Maintenant, ils s’investissent totalement et certains sont même devenus très bons ». Le lieutenant Brahim confirme : « L’un d’entre eux, au début, ne pouvait aller au-delà de quelques minutes de discussion. On l’a encouragé en le guidant et aujourd’hui, on est obligé de l’écarter du reste du groupe après ses entretiens car il détient les bonnes informations, utiles à la résolution du cas concret ».
La Task Force Narvik encourage les instructeurs irakiens à créer leurs propres scénarii. Ainsi, ils pourront poursuivre de manière autonome l’application des techniques inhérentes au recueil de renseignements au sein de leurs unités en Irak. Cette instruction fait partie du « pilier formation » de l’opération Chammal. Très complète, elle aborde les points essentiels du recueil de renseignement, utiles et immédiatement exploitables par l’armée irakienne. L’action de la Task Force Narvik participe ainsi à l’amélioration des capacités de commandement ainsi que des savoir-faire tactiques des troupes irakiennes.
Lancée depuis le 19 septembre 2014, l’opération Chammal représente la participation française à l’OIR (opération Inherent Resolve) et mobilise aujourd’hui près de 1 100 militaires. À la demande du gouvernement irakien et en coordination avec les alliés de la France présents dans la région, l’opération Chammal repose sur deux piliers complémentaires : un pilier « formation » au profit d’unités de sécurité nationale irakiennes et un pilier « appui » consistant à soutenir l’action des forces locales engagées au sol contre Daech et à frapper les capacités militaires du groupe terroriste.
Sources : État-major des armées
Droits : Ministère de la Défense