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Interview du CEMA sur TV5 (le 07/11/04)

Mise à jour  : 28/06/2010

TV5

LE JOURNAL

Le 07/11/2004

ISABELLE MOURGERE

Notre invité dans ce journal le Général Henri BENTEGEAT, vous êtes le chef d'Etat Major des forces armées française, merci d'être avec nous. On vient d'entendre donc ce témoignage d'une ressortissante française à Abidjan elle a eu très peur, ce soir beaucoup de Français sont inquiets. Si la situation s'aggrave de nouveau, pour l'instant l'ordre d'évacuation n'a pas été donné, mais si cet ordre venait à être donné, est ce que les forces françaises sur place ont les moyens d'ordonner cette évacuation et d'organiser cette évacuation ?

GENERAL HENRI BENTEGEAT

Alors je crois qu'on n'en est pas du tout, comme vous le disiez, au stade de l'évacuation; je suis touché comme tout le monde par les risques qu'ont encouru et que continuent d'encourir nos ressortissants. Ce que je veux dire c'est qu'aujourd'hui nous avons sécurisé toute la partie sud d'Abidjan et nous sommes en train de sécuriser la partie Nord. Cette mission de protection des ressortissants français et étrangers est pour nous une mission totalement prioritaire.

ISABELLE MOURGERE

Qu'est ce qui pourrait être envisagé au niveau de ces Français, quel message vous souhaitez leur adresser ?

GENERAL HENRI BENTEGEAT

D'abord qu'ils aient confiance, qu'ils aient confiance en nous, nous avons parfaitement pris en compte leurs soucis, leurs inquiétudes, nous avons déjà ramené l'essentiel du calme dans la partie sud d'Abidjan, nous allons le faire dans la partie Nord. C'est le point essentiel que le président GBAGBO devrait bientôt exprimer et j'espère que son message sera un message de paix et de retour au calme et à la normalité. C'est tout à fait essentiel pour l'ensemble de nos ressortissants, c'est tout à fait essentiel pour nos forces bien évidemment. Nous ne souhaitons pas, nous ne souhaitons en aucun cas engager une guerre contre les autorités légitimes de Côte d'Ivoire. Ce que nous voulons, à l'heure actuelle, c'est que l'ordre revienne et que petit à petit l'ensemble de nos ressortissants puissent retrouver dans le calme et la paix leur domicile.

ISABELLE MOURGERE

Alors Général justement du côté politique, le ministre français des affaires étrangères Michel BARNIER a durci le ton vis à vis du président GBAGBO ce dimanche, il a déclaré, je cite : "une responsabilité importante et personnelle" dans toute cette affaire, je rappelle donc que neuf soldats français ont été tués, donc à Bouaké. L'attaque de l'armée ivoirienne était délibérée, selon donc les propos du ministre français des affaires étrangères. Depuis la riposte française, des politiques ivoiriens se sont succédés, ont pris la parole, ils ont tenu des propos très virulents vis à vis de la France. Je vous propose d'écouter justement le porte- parole de Laurent GBAGBO qui s'est exprimé un peu plus tôt sur notre antenne, il s'appelle Désiré TAGRO.

(...)

Votre réaction Général BENTEGEAT.

GENERAL HENRI BENTEGEAT

Ma réaction est simple, d'autant plus simple que je sais que mes soldats en Côte d'Ivoire m'écoutent en ce moment. D'abord j'ai été extrêmement touché, comme l'on été l'ensemble des militaires français par la mort de neuf de nos camarades et les blessures qui ont été infligées à 34 d'entre eux. Je connaissais plusieurs des personnes qui ont été blessées personnellement, j'en suis très touché, j'en suis très ému et je suis en même temps très fier de la réaction qu'a eu le détachement Licorne. Ils ont montré qu'on ne tue pas impunément les soldats français.

ISABELLE MOURGERE

Justement des politiques ivoiriennes et le président de l'assemblée ivoirienne Monsieur COULIBALY qui a parlé de 30 morts civils du côté ivoirien aujourd'hui dans les émeutes qui ont eu lieu cette nuit à Abidjan.

GENERAL HENRI BENTEGEAT

Je ne confirme absolument pas ce chiffre, nous avons du effectivement faire face à un certain nombre de pillards à Abidjan, comme nous sommes allés secourir un certain nombre de ressortissants étrangers, au total aujourd'hui vous savez que vous avez accueilli 750 personnes ressortissantes pour l'essentiel français, mais pas seulement, il y a aussi des libanais, des belges, des allemands et ces 750 personnes nous avons du les défendre contre des pillards ou des agresseurs de toute nature en allant les chercher. Nous avons du par ailleurs, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, effectuer un certain nombre de tirs de sommation et nous avons pu effectivement blesser ou tuer quelques personnes. Nous nous sommes chaque fois efforcés de limiter au maximum les risques encourus aussi bien pour la population civile que pour les adversaires que nous rencontrions. Ce dont je suis particulièrement fier c'est que le détachement Licorne ait fait preuve depuis le début de cette crise d'un très grand calme, d'un très grand sans froid et d'une maîtrise complète, totale, de la violence.

ISABELLE MOURGERE

Général je voudrais qu'on revienne à l'origine de ces tragiques évènements, selon une information du quotidien LE MONDE, l'armée française, qui est sur place, aurait été au courant des mouvements de l'armée ivoirienne et serait peut-être intervenue à ce moment là dès jeudi, dès les attaques de l'armée ivoirienne sur les positions de la rébellion et donc éviter ce qui s'est passé jeudi et surtout l'attaque sur la position française qui a fait neuf morts côté français.

GENERAL HENRI BENTEGEAT

Je crois qu'il faut en revenir à des choses très simples, l'armée française n'avait pas au terme de la résolution du conseil de sécurité des Nations Unies, n'avait pas le droit d'intervenir pour imposer sa loi, l'armée française n'était là que pour intervenir au profit de la force des Nations Unies et la force des Nations Unies quand elle a fait appel à nous, nous a immédiatement trouvé à ses côtés. Mais je ne souhaite pas, si vous le permettez qu'on reste trop sur le passé parce qu'il me paraît très important maintenant qu'on s'oriente vers..

ISABELLE MOURGERE

Général, quel est l'état d'esprit, ce soir la question que l'on peut se poser, c'est est-ce le président Laurent GBAGBO on attend évidemment d'une minute à l'autre ses déclarations, si elles nous parviennent, peut-il poursuivre cette offensive contre la rébellion est ce qu'il en a les moyens, quel est l'état d'esprit, est-ce que des contacts ont lieu pour tenter de rétablir le dialogue?

GENERAL HENRI BENTEGEAT

Bien sûr, bien sûr et c'est tout ce que nous souhaitons et c'est tout ce que nous voulons. Maintenant nous avons été frappés, nous avons réagi, maintenant les choses pour nous sont terminées, nous n'avons plus qu'un double souci, si vous voulez, c'est remplir nos deux missions, c'est à dire d'une part la protection des ressortissants français et étrangers et d'autre part l'application de la résolution des Nations Unies et des accords d'ACRA 3 et c'est ce que nous allons faire. Nous n'accepterons pas bien évidemment que les forces nouvelles tirent avantage de la situation pour descendre vers le sud, nous n'accepterons pas bien sûr non plus que des offensives reprennent dans l'autre sens. Mais je n'y crois pas.

ISABELLE MOURGERE

Si les offensives reprennent ?

GENERAL HENRI BENTEGEAT

Si les offensives reprennent, l'ONUCI a maintenant des règles d'engagements très fermes et donc l'ONUCI s'y opposera et nous soutiendrons immédiatement l'ONUCI.

ISABELLE MOURGERE

C'est à dire que les soldats de l'ONU et les soldats de l'opération Licorne auront le feu vert pour ouvrir le feu ?

GENERAL HENRI BENTEGEAT

Les soldats des Nations Unies ont le feu vert effectivement pour ouvrir le feu selon les nouvelles règles d'engagement qui leur ont été données, qui leur donnent plus de latitude que ce qu'ils avaient auparavant, et nous-mêmes nous avons la ferme attention de les soutenir pour empêcher une reprise des combats dans la zone de confiance.

ISABELLE MOURGERE

Merci Général BENTEGEAT d'avoir été notre invité dans ce journal.


Sources : État-major des armées
Droits : Copyright Ministère de la Défense