Quels que soient l'activité et le niveau auquel on le pratique, le sport permet de redécouvrir, d'accepter et de se réapproprier son corps, mais aussi de libérer son esprit. En réalisant des choses qu’on ne croyait plus possible, mais aussi en conservant ou en nouant des liens sociaux, il permet de repousser les barrières du handicap physique ou psychique (syndrome post-traumatique), mais aussi de la maladie. Le sport occupe donc une place essentielle dans la reconstruction des blessés militaires.
Au sein de la gendarmerie, le Bureau de l'action sociale (BAS) de la DGGN, avec le soutien financier de la fondation Maison de la gendarmerie, relaie la politique d'accompagnement mise en œuvre par le ministère de la Défense. « Il y a eu une prise de conscience du ministère de la Défense au retour des militaires du théâtre afghan. Dans cette dynamique, la Cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre (Cabat) a créé, en 2012, les Rencontres militaires blessures et sports (RMBS). C'était une initiative importante au profit des blessés militaires. Rapidement, ce stage multisports s'est ouvert aux autres armées et à la gendarmerie. Nous avons pris toute notre place, puisque de deux gendarmes intégrés à ces rencontres la première année, nous en sommes à neuf cette année. Aujourd'hui, nous engageons également des personnels blessés dans les jeux mondiaux militaires, les challenges Ad Victoriam ou encore les Invictus », explique le chef du BAS et porteur du dispositif avec son équipe.
Contrairement aux armées, les blessés gendarmerie ne sont pas tous issus des théâtres étrangers mais dans leur très grande majorité du territoire national. Aujourd'hui, le risque est présent dans toutes les missions quotidiennes, que ce soit dans la lutte contre la délinquance, lors d'une intervention sur un différend familial ou sur un contrôle routier. Ainsi, cette année, 30 % des gendarmes engagés sur les RMBS ont été volontairement percutés par des motocyclistes ou des automobilistes. « Ce sont des blessés dans le cadre du service. L'Institution se doit de les aider à se reconstruire, dans la perspective de reprendre leur emploi, ou un emploi adapté, ou à défaut de se reconvertir, car la vie professionnelle est indispensable, tout comme la vie de famille. Le rôle du BAS, et notamment celui de la majore Néel, est de détecter les blessés ayant le profil pour intégrer le dispositif et de les enjoindre à le faire, car il faut réussir à les convaincre, précise l'officier. Plusieurs activités sportives sont proposées, certaines en compétition et d'autres plus ludiques ou initiatiques comme lors des RMBS ou encore des stages proposés par le Cercle sportif de l'institution nationale des Invalides (CSINI). Dans ce contexte, nous leur proposons également des disciplines plus artistiques (travail de la terre, atelier théâtre, etc.), pour que chacun trouve son centre d'intérêt, un cadre où il est mis en confiance et où il puisse se révéler et créer des liens. »
La mise en œuvre généralisée du dispositif de reconstruction des blessés militaires par le sport a été confiée à l'École interarmées des sports (EIS). « Le sport est avant tout un moyen de réunir les militaires blessés et de leur redonner confiance. Il faut être très attentif à ce qu'ils ne se focalisent pas que sur la compétition et n'aillent pas au-delà de leurs capacités au risque de se blesser voire de rechuter. Au sein de la structure du CNSD ou lors de ces compétitions, chacun sait ce que les autres ont vécu ; chacun se comprend par la parole ou le regard. Les histoires, les blessures sont différentes, mais la souffrance est la même. Leur vie quotidienne a été changée de la même manière. Ils n'y perçoivent pas le regard parfois critique des valides, notamment lorsqu'il y a des blessures invisibles, comme le syndrome post-traumatique », conclut le chef du BAS.
Le plan d’action proposé par le BAS a pour objectif d’améliorer le soutien et l’accompagnement des blessés et des personnels en congé de longue maladie. Les actions existantes seront notamment complétées, dès 2017, par la mise en place de deux stages annuels « blessés-familles » et d’un collectif gendarmerie au sein du challenge Ad Victoriam.
- Objectifs
La reconstruction et la réinsertion par le sport des militaires blessés font l’objet d’une réelle volonté politique au sein des armées depuis 2013. Elles se sont traduites, dès 2014, par la signature d’un protocole interministériel, conforté par le projet « sports 2020 ». Celui-ci met en œuvre différentes actions : rencontres « militaires blessures et sports », Invictus Games, challenge Ad Victoriam, stages d’équitation adaptée. La gendarmerie s’est naturellement intégrée à ces dispositifs. Elle a, par ailleurs, décliné cette politique en créant une cellule nationale d’aide aux blessés fin 2015, ainsi que le poste de chargé de projet reconstruction des blessés par le sport, ouvert à l’été 2016. « La résilience par le sport n’est pas un concept mais une réalité. Notre objectif est d’améliorer notre dispositif de soutien en intégrant le plus grand nombre de gendarmes blessés, que nous identifions par le biais de messages qui remontent des unités jusqu'à la DGGN. C’est notre devoir de les accompagner, dans la durée, dans leur resocialisation et leur reconstruction, en lien avec le Service de santé des armées (SSA), la chaîne de commandement et les différents acteurs et partenaires. Nous sommes en mesure de les conseiller, de construire avec eux le parcours le plus adapté à leur blessure, à leurs aspirations et à leur situation personnelle, explique l'officier chargé de projet. Nous continuerons de nous appuyer sur les actions existantes, mais nous allons également proposer un plan d’action spécifique à la gendarmerie. »
- Des stages « blessés-familles »
Quinze objectifs ont ainsi été planifiés sur une période de trois ans. « Dès 2017, nous expérimenterons deux stages spécifiques à notre Institution, associant les blessés, mais aussi les personnels en congé de longue maladie, et les membres de leur famille. Ils se dérouleront au sein des établissements familiaux de la Fondation Maison de la gendarmerie, en dehors des périodes d’ouverture au public, en association avec les psychologues de la gendarmerie et en synergie avec le SSA. » Au programme : des activités sportives ou culturelles, dont certaines communes avec les familles, et des temps d’échanges entre les participants, mais aussi avec les psychologues et partenaires. Ces stages d’une semaine, associant tous types de blessures physiques et psychiques, sans distinction de grade, permettront « d’apporter aux uns la reconnaissance du sacrifice consenti et de montrer à ceux que la maladie a coupés de l’Institution qu’on ne les oublie pas. » Outre l’aspect sociabilisation, l’objectif est de leur permettre de se reconstruire avec des activités physiques adaptées.
- Le challenge Ad Victoriam
Le plan d’action prévoit également d’intégrer un collectif gendarmerie d’une trentaine de militaires volontaires dans le challenge Ad Victoriam, supporté par des compétitions civiles ou militaires. «L’idée est de réunir les sportifs valides et les blessés. Ce n’est pas tant la performance que la participation qui compte ». Les membres de l’équipe, baptisée « les Phénix », s’engageront en effet à accomplir au moins quatre des huit étapes échelonnées dans l’année. Avec l’aval médical, le blessé pourra construire son parcours en lien avec le chargé de projet du BAS, mais surtout avec son commandement direct, qui pourra ainsi anticiper le service très en amont.
- Témoignage de l'adjudant Franck G., de la compagnie de gendarmerie départementale de Versailles (78).
« Au retour d'Afghanistan, mon entourage m'a trouvé fortement changé. Pendant tous mes moments libres, mon esprit était tourné vers la mission que je venais d'accomplir. Je ne pensais qu'à ça. Je ne dormais plus. J'étais resté là-bas. Il y avait aussi l’aspect agressif… En fait, tout ce qu'on retrouve dans le syndrome posttraumatique. Un jour, après une phase de crise, il m'a fallu admettre la réalité et j'ai décidé d'aller consulter. C'était l'étape la plus dure. Au sein de la structure médicale militaire, j'ai rencontré de nombreux camarades qui avaient participé à la mission. Cela nous a permis d'échanger, de prendre conscience qu'il s'agissait d'une blessure et que nous n'étions pas faibles. C'est un travail compliqué parce que la blessure psychique est souvent perçue de façon péjorative, tout d'abord parce qu'invisible, mais aussi parce que dans l'esprit collectif, le fait d'être pris en charge par une unité psychiatrique est encore mal perçu. Aujourd'hui, j'ai la chance de pouvoir reprendre ma spécialité de technicien en identification criminelle. Malgré tout, j'ai toujours un suivi, parce que l’Afghanistan et le souvenir de la mission sont toujours présents. Je suis venu au tir à l'arc dans le cadre de ma reconstruction, grâce au bureau de l'action sociale. Je les en remercie parce que c'est vraiment une perche qu'on nous a tendue. Mon objectif en Floride, c'est la victoire avec mes camarades. Mais c'est aussi d'ouvrir la voie, de faire connaître cette opportunité aux camarades qui n'en ont pas connaissance et d'inciter ceux qui ont des doutes à ne pas en avoir. Quand on est blessé, on a tendance à penser qu'on est fichu, qu'on ne pourra plus rien faire. Mais qu'on soit blessé psychologique ou physique, il y a toujours une possibilité, avec de la volonté et des moyens adaptés. Aujourd'hui, je peux dire à mes camarades que la vie ne s'arrête pas. On a la chance d'être là, alors il faut foncer ! »
Sources : Sirpa