Le CEMA préside la cérémonie du Triomphe aux Ecoles de Coëtquidan

Texte de l’ordre du jour prononcé par le général François Lecointre, chef d’état-major des armées :

L’éclat lumineux des sabres, le reflet doré des boutons d’uniforme et le cliquetis des fourreaux nous renvoient avec émotion au souvenir des cérémonies qui ont précédé celle-ci. La solennité du moment, le souvenir de nos Anciens, nous libèrent un instant de la frénésie du quotidien et nous invitent à la réflexion.

Génération après génération, année après année, le Marchfeld retentit des échos de cette magnifique cérémonie du Triomphe. Les raisons qui ont conduit chacun d’entre vous ici ce soir vous sont propres. Elles s’inscrivent toutefois dans une remarquable continuité : comme vos aînés avant vous, vous êtes ici au nom d’un idéal, d’une certaine idée de la France et pour répondre à l’appel du service de ses armes. Vous êtes ici par sens du devoir, goût de l’action et des responsabilités, vous êtes ici pour servir surtout, et, parce qu’au fond, vous n’imaginez pas de renoncer à vous élever.

Un office est une charge que l’on assume. Officiers, votre charge est de commander. Vous serez chef, vous donnerez les ordres : dans l’épreuve, c’est vers vous que vos soldats tourneront leur regard. Vos ordres, ils les exécuteront au nom de l’autorité qu’ils vous auront reconnue.

L’officier n’accepte pas sa charge, il la reçoit. « La grande erreur », écrit Saint-Exupéry, « est d’ignorer que recevoir est bien autre chose qu’accepter. Recevoir est d’abord un don, celui de soi-même ». L’officier est celui qui s’offre. « Le chef », écrit encore Saint-Exupéry, « c'est celui qui nous montre assez d'estime pour avoir besoin de nous ».

Pour commander convenablement, vous devrez d’abord susciter la discipline ; celle-ci est à la fois obéissance consentie et confiance accordée. Car il n’y a de vraie discipline que par ce jeu d’obéissance consentie et de confiance accordée, qui permet à la fois un abandon les uns aux autres et la création d’une dépendance mutuelle. En comprenant cela, vous saisirez alors toute l’importance de votre charge, l’enjeu de faire grandir les hommes placés sous vos ordres.

Vous devrez ensuite faire naître chez vos hommes l’enthousiasme et le sentiment d’appartenir à quelque chose de plus grand qu’eux. Soyez fiers : cette mission difficile exigera du caractère, des convictions et de l’allant, et il y a une véritable noblesse à s’y engager, comme vous vous apprêtez à le faire.

Vous devrez enfin faire œuvre d’humanité, en considérant et en aimant vos subordonnés. Soyez humbles : la meilleure disposition sera de vous trouver non pas au-dessus d’eux, mais au milieu d’eux. Ne craignez pas le doute, ne restez jamais prisonnier de vos certitudes. Il vous reviendra de donner du sens à la mission : commander, c’est faire appel à l’intelligence, la vôtre, mais aussi et surtout celles de vos hommes.

Fierté et humilité vont ensemble et vous devez assumer pleinement de devoir incarner un tel oxymore.

Fiers de servir de la plus éclatante des façons, mais humbles en reconnaissant que d’autres, qui ont suivi d’autres vocations, servent eux-aussi avec la plus belle des ardeurs.

Fiers de maîtriser parfaitement les compétences les plus précises de votre métier d’officier, mais humbles – et de plus en plus – en mesurant au cours de votre carrière votre très grande ignorance d’un nombre croissant de problématiques, qu’il vous faudra appréhender dans toute leur complexité.

Fiers de commander, mais humbles et saisis de vertige devant la générosité infinie de ceux qui vous feront le don de leur dévouement le plus extrême.

L’excellence de la formation que vous recevez ici à Coëtquidan, est à la hauteur des attentes que nous plaçons en vous. Dans quelques jours, certains d’entre vous s’en iront, pour rejoindre les unités de l’armée de Terre ou les divisions d’application. D’autres resteront pour achever leur formation initiale. Tous, vous aurez bientôt la charge d’un commandement, vous aurez charge d’âmes.

Gardez cette volonté qui vous a amenés ici ce soir, cet enthousiasme qui est le vôtre à cet instant. Conservez le courage de votre engagement et la conscience de ce que vous représentez. Ils ne sont plus si nombreux en ce monde les audacieux qui embrassent une cause qui les transcende.

Servez la France avec passion, Elle vous regarde et vous admire.

Lien vers l'ordre du jour prononcé par le CEMA