Accueil | EMA | Chef d'Etat-Major des Armées | Actualité | Instinct EMA ... Actualité | Instinct

Instinct

Mise à jour  : 06/02/2017

Mon cher camarade,

Si j’ai choisi de vous parler de l’instinct – en complément de l’imagination et du courage – c’est parce que j’ai la conviction qu’il a toute sa place dans l’exercice du métier des armes.

Il faut bien reconnaître que l’on éprouve – instinctivement –, à son égard, une forme de méfiance. On lui associe, automatiquement, certaines notions réductrices : instinct de conservation, instinct de survie, instinct grégaire... L’instinct nous rapproche – pense-t-on – du monde animal. Il nous dicterait réactions et comportements. Il nous enfermerait dans la sphère étriquée de l’« inné ».

Or, vous qui êtes dans les premiers temps de votre carrière militaire, vous ne comptez, actuellement, ni vos efforts, ni votre énergie, pour vous former et vous entraîner ; en un mot, pour développer vos « acquis » en vue d’atteindre l’excellence opérationnelle.

Dans ces conditions, quelles peuvent bien être les vertus de l’instinct ?

1ère observation : combiné à l’expérience, l’instinct ouvre sur le bon sens. Celui que l’on désigne, non sans respect, comme le « bon sens paysan » ; ancré dans le concret et la réalité du terrain. Le bon sens protège des élucubrations. Il fait percevoir « ce qui est », sans artifice, en toute simplicité. Le bon sens évite bien des erreurs grossières et conduit la décision pertinente. La première intention est souvent la bonne.

2e observation : combiné à l’intelligence, l’instinct engendre l’intuition. Par l’intelligence, nous saisissons l’abstrait, le fixe, le théorique. C’est indispensable, mais ce n’est pas suffisant. Sur le champ de bataille, dans le « brouillard de la guerre », où tout est incertain, insaisissable, mouvant et fuyant, l’instinct apporte un précieux concours. Il permet le « flair », le « coup d’œil », la saisie, au bon moment, d’une opportunité fugace, qui ne se représentera plus. Derrière le « coup de génie », il y a bien souvent l’intuition. La chance se mérite !

3e observation : enrichi par le « drill », l’instinct permet le geste parfait. Parlant du champ de bataille, le maréchal Foch disait : « pour y faire un peu, il faut savoir beaucoup et bien ». La vertu du drill, c’est de parvenir à donner à l’ « acquis » les caractéristiques de « l’inné » : la précision et la perfection ; celles de l’alvéole de l’abeille ; celles de la toile de l’araignée. La pédagogie militaire, fondée sur la répétition patiente et régulière, nourrit cette même ambition de précision et de perfection instinctives.

Je termine cette lettre sur cette belle maxime de Geneviève de Gaulle-Anthonioz : « l’honneur est un instinct, comme l’amour ». J’ajoute qu’il nous appartient de cultiver les deux et d’en vivre !

L’honneur et l’amour sont, pour nous, militaires, deux mots étroitement et indéfectiblement liés à la France. La France, dont j’ai choisi de faire le thème de ma prochaine lettre.

Fraternellement,

Général d’armée Pierre de Villiers


Sources : État-major des armées
Droits : Ministère des Armées