- Seul le prononcé fait foi -
Monsieur le sous-préfet,
Madame le maire, je vous remercie de nous accueillir à Vincennes. Cela confirme et renforce le lien ancestral qui existe entre les armées françaises et votre commune,
Monsieur le député,
Mesdames, messieurs les élus,
Monsieur le président national du Souvenir français,
Monsieur le président du Souvenir français de Vincennes,
Mesdames, messieurs les membres d’associations mémorielles et du monde combattant,
Chers porte-drapeaux,
Mesdames, messieurs,
Il y a 80 ans, le ciel européen s’était considérablement assombri. La montée des totalitarismes, la crise économique, l’avalanche des revendications territoriales et nationalistes avaient eu raison de la paix de 1919. Finalement, Versailles ne fut que le nom d’une trêve de 20 ans.
Il y a 80 ans, à cette heure, les armées hitlériennes avaient lancé l’assaut sur la malheureuse Pologne. Dans l’ombre, le géant soviétique s’apprêtait à y prendre sa part. La France et le Royaume-Uni, conformément à leurs engagements, déclarent la guerre à l’Allemagne.
Le conflit qui démarre n’est alors qu’européen. Mais, nous savons qu’il devint rapidement la Seconde Guerre mondiale. La guerre la plus dévastatrice que l’humanité ait connue, qui fit plus de 60 millions de victimes, avec une majorité de civils. Une guerre qui bouleversa notre expérience de l’horreur et de la barbarie et qui s’acheva par le début de l’ère nucléaire.
Nous aurons l’an prochain l’occasion de commémorer et de rappeler les évènements qui ont marqué notre Nation et notre mémoire collective. Au gré de mes rencontres et de mes déplacements, je suis d’ailleurs frappée de constater à quel point la mémoire de la Seconde Guerre mondiale a marqué nos familles et forgé nos identités, y compris au niveau local.
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Mais, je ne veux oublier aucune mémoire. Le Gouvernement y est particulièrement attaché. Chaque individu et chaque famille doit être reconnu pour les services rendus au pays.
En ce sens, la France n’oublie aucun des fils tombés pour elle. Les soldats de 1939 ont pu se sentir oubliés et mal perçus. Ils ont été emportés par l’avalanche de la défaite et de ses conséquences. Il nous revient de corriger cet oubli mémoriel. Je le fais aujourd’hui en votre compagnie.
Et, cela commence par le rappel de la mobilisation, de la « drôle de guerre » et des premiers morts pour la France. Le Souvenir français nous y invite aujourd’hui. Je veux l’en remercier. Monsieur le président BARCELLINI, c’est une belle initiative que vous menez. Elle permet, dans de nombreux départements, de se souvenir des premiers temps de la guerre et des premiers morts.
En rendant hommage au vincennois Jean BERGUERAND et en retraçant son parcours, c’est à tous ses frères d’armes morts pour la France de septembre 1939 à avril 1940 que nous pensons. Ils ont « disparu les premiers », comme le dit le poème que nous allons écouter dans quelques instants. Ils sont l’avant-garde des combattants. C’est à l’ensemble des soldats, tous grades confondus, qui ont donné leur vie au cours des huit mois de « drôle de guerre » que nous pensons.
Cela nous invite à repenser une période, il faut bien le dire, délaissée par la mémoire collective. Cela nous permet de la mettre en valeur.
Alors que la Pologne et la péninsule scandinave sont le théâtre d’âpres combats ; sur le front ouest, les armées restent l’arme aux pieds pendant 8 mois. Dans une attente faite de monotonie et d’ennui, le moral est caractérisé par l’incertitude. Cette forme de guerre insolite et inédite est restée dans l’histoire sous l’expression de « drôle de guerre ».
Mais, ne nous méprenons pas. « Drôle », cette guerre ne l’était pas. Ni pour les quelques milliers de mobilisés qui ont perdu la vie, ni pour les millions de Français arrachés à leurs activités, ni pour les foyers privés d’un fils ou d’un père, ni pour les premiers réfugiés des régions transfrontalières.
La « drôle de guerre » avait sa logique et ses raisons : le choix de la défensive, la ligne Maginot, le souvenir de la guerre précédente.
Toutes les générations de 1939, y compris les états-majors, sont nourries aux souvenirs de 1914-1918. La mobilisation générale de septembre rappelle les tristes souvenirs de l’été 14. Celui des terribles chocs frontaux, des pertes considérables des premières semaines de la Grande Guerre.
On sait que le « feu tue ». On craint l’hécatombe. On craint l’offensive à outrance. Pour cette génération, la guerre n’est pas une aventure inconnue. Pour rien au monde, on ne voulait revivre les saignées de Verdun. Pour rien au monde, on ne voulait revoir les monuments aux morts se remplir à nouveau de noms familiers.
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En septembre 1939, la guerre ne prend véritablement personne par surprise. Contrairement à une légende tenace, les gouvernants en place ont entamé depuis 1936 un effort de réarmement. Mais, le temps allait manquer.
Les 5 millions d’hommes qui partent rejoindre leur affectation n’ont pas d’illusion sur la guerre moderne. De toutes nos villes et de tous nos villages, de tous nos territoires, ils partent avec un sentiment de tristesse mêlé de résolution. La gravité et la résignation laissent peu de place à l’enthousiasme, aux fleurs ou aux défilés.
Des milliers de travailleurs quittent leurs usines, des milliers d’agriculteurs quittent leurs champs. Tous laissent une famille et un foyer. Au chagrin s’ajoutent les soucis de la gestion du quotidien pour ceux qui restent.
Je veux, devant vous, saluer tous nos soldats, tous nos réservistes, tous nos appelés, qui ont répondu à l’appel de la Nation en septembre 1939.
Ils sont des centaines de milliers d’anonymes, ils sont des centaines de milliers de patriotes. Ils ont servi la France par les armes et par l’uniforme.
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Vous l’avez dit, Monsieur BARCELLINI, contrairement aux idées reçues, la « drôle de guerre » n’a pas été un moment sans combats ni victimes.
Dès l’entrée en guerre, dès le 7 septembre 1939, nos armées attaquèrent entre Rhin et Moselle. Nos troupes réduisirent avec succès un saillant près de Forbach. Elles pénétrèrent en Sarre.
Un des plus beaux sujets d’uchronie est celui de savoir combien de temps l’Allemagne aurait pu tenir si la France avait poussé son avantage dans la Sarre jusque dans la Ruhr ? Mais, on ne refait pas l’histoire !
Il y eut des offensives, des coups de mains, des combats aériens et des missions de reconnaissance. Toutes ces opérations comportaient une part de risque. Elles firent des victimes, des blessés et des prisonniers. Il y eut également des morts des suites d’accidents ou de maladies.
Ainsi, de septembre à novembre 1939, 1136 soldats de l’armée de Terre, 256 marins et 42 aviateurs ont trouvé la mort.
Souvenons-nous également des soldats de Narvik qui, en avril 1940, ont mené en Norvège aux côtés de nos alliés une campagne âpre et difficile. Ils ont souvent été remarquables de courage et de combativité dans l’offensive comme dans la défensive. De nombreuses unités y ont conquis les premières parcelles de leur gloire.
Même si la foudroyante campagne de France a occulté ce souvenir, ce fait d'armes mérite que l’on s’en souvienne et que l’on salue la vaillance de nos soldats.
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Hélas, hélas, hélas, l’orage s’est déclenché le 10 mai 1940. Des heures sombres débutaient. Mais elles portaient en elles des flambeaux d’espérance.
Ceux qui les saisirent étaient souvent des officiers, des soldats, des appelés de 1939. Ils avaient l’honneur de la patrie comme raison d’être.
Ils étaient Pierre MESSMER, Antoine de SAINT-EXEPURY, Marc BLOCH, René CHAR, Henri GROUÈS, Jacques DELMAS, Henri FRENAY, Tom MOREL, Marie-Pierre KOENIG, et tant d’autres... Ils ont été des Français Libres et des résistants. Mais avant cela, ils ont été des soldats de 1939-1940. Ils étaient les frères d’armes de Jean BERGUERAND.
Ayons également toujours à l’esprit le grand Jean ZAY qui, dès le 2 septembre 1939, alors ministre de l’Education nationale, démissionna de ses fonctions pour répondre à l’appel de la mobilisation. Celui qui sera en juin 1944 abattu par des miliciens dit alors : « je désire partager le sort de cette jeunesse pour laquelle j’ai travaillé de mon mieux au gouvernement pendant 40 mois ».
Au Panthéon, cœur de notre mémoire républicaine et de notre reconnaissance, Jean ZAY, le volontaire de septembre, est aussi le porte-étendard de ceux de 1939.
Vive la République !
Vive la France !
Sources : Ministère des Armées