Dès 1917, anciens combattants et proches de disparus se rendent à Verdun pour se recueillir. Avec la spectaculaire nécropole de Douaumont et la poignante tranchée des baïonnettes, ce site de mémoire attire chaque année des centaines de milliers de visiteurs. Un succès plus que jamais d’actualité en cette année de centenaire.
Une forêt dense et épaisse parcourt les hauteurs de Verdun. Un paysage verdoyant qui dégage une atmosphère sereine. Difficile de s’imaginer qu’ici, cent ans auparavant, se déroulait une orgie de destruction, un combat apocalyptique qui allait rester dans les annales comme étant la plus meurtrière des batailles de la Grande Guerre.
Aujourd’hui, malgré la végétation, le promeneur discerne les traces du conflit qui a transformé à jamais le paysage de la Meuse. Un sentiment de stupeur saisit le visiteur qui découvre les vestiges du village de Fleury-devant-Douaumont. En 1914 s’élevait ici un village de 400 habitants dans les rues duquel se croisaient agriculteurs, ouvriers et soldats. Quatre ans plus tard, il ne restait plus qu’un paysage lunaire. Fleury fait partie des neuf villages situés en première ligne de l’offensive de février 1916, qui furent détruits au terme de la bataille de Verdun. Des cratères témoignent encore aujourd’hui de l’intensité des bombardements : plus de 90 000 tonnes d’obus tombèrent sur cette zone.
Les touristes peuvent se promener dans le village en empruntant le tracé des rues. Des bornes blanches signalent les emplacements des maisons, des commerces et des lieux publics. Le seul édifice encore debout dans cette localité fantôme est la chapelle. Reconstruite en 1934 à l’endroit de l’ancienne église, elle est dédiée en 1979 à Notre-Dame de l’Europe.
En face du village de Fleury, tel un phare du souvenir, se dresse l’ossuaire de Douaumont. Ce monument abrite les restes de 130 000 soldats inconnus, français et allemands, morts à Verdun. Dans le cloître, chaque pierre gravée correspond aux noms des hommes disparus pendant cette bataille et dont les corps n’ont jamais été retrouvés. Devant l’ossuaire s’étend l’immense nécropole nationale où reposent plus de 16 000 militaires français. D’une superficie de 144 000 m2, ce cimetière regroupe les corps exhumés des cimetières créés au cours de la bataille de Verdun, ceux retrouvés sur le champ de bataille ou découverts par la suite. Douaumont est la deuxième nécropole de France par le nombre des soldats inhumés. Les visiteurs ne peuvent être que frappés par cette succession de tombes. Un petit bouquet de fleurs bleues, blanches et rouges déposé au pied d’une croix blanche prouve que le souvenir de ces poilus « morts pour la France » est encore vivace dans la mémoire des Français.
Quelques mètres plus au nord, la tranchée des baïonnettes renferme les corps de sept fantassins. Ils auraient été victimes des bombardements de 1916, enterrés vivants sous les vagues de terre soulevées par les obus. Avec la nécropole de Douaumont, la tranchée des baïonnettes représente un des hauts lieux de la mémoire nationale au titre du sacrifice des soldats français de la Grande Guerre.
Cent ans de pèlerinage
La fréquentation touristique de ces lieux de mémoire bénéficie de l’effet « centenaire ». Cette destination « meusienne » est de plus en plus prisée par les touristes de l’Hexagone, mais aussi par les visiteurs internationaux, qui représentent 60 % de la clientèle des sites mémoriels. En 2014, la nécropole de Douamont a accueilli à elle seule plus de 420 000 visiteurs. Fin septembre 2015, les principaux lieux de mémoire de la région ont ainsi attiré plus de visiteurs que pendant toute l’année 2013. Ce phénomène de tourisme de mémoire n’est pas nouveau. Dès 1917, alors que la guerre faisait encore rage, d’anciens combattants et des familles endeuillées se rendaient déjà sur les champs de bataille pour se recueillir ou pour observer les conséquences du conflit. Ces pèlerinages s’organisaient avec l’accord des autorités militaires qui avaient tout pouvoir dans la zone de front. André Michelin saisit alors l’occasion pour éditer une série de guides illustrés des champs de bataille. Au fil du temps, avec la disparition progressive des témoins directs, les touristes se sont substitués aux pèlerins. Aujourd’hui encore, la Grande Guerre continue à intéresser le grand public et attire toujours plus de curieux désirant redécouvrir les lieux symboliques où se sont écrites les grandes pages de l’histoire.
Sources : Ministère des Armées