Le ministre de la Défense s'est exprimé au cours d'une conférence de presse le 12 janvier 2013 sur la situation au Mali et en Somalie
Je viens devant vous ce matin avec le chef d’état-major des armées dans une situation de gravité. La France est engagée dans un combat sans merci contre le terrorisme, où qu’il se trouve. Ces dernières heures, nos Armées et nos services spécialisés ont été engagés sur deux théâtres.
Je vais commencer par le Mali.
Les forces armées françaises ont mis en œuvre dès hier après-midi le mandat du Président de la République, pour répondre à la demande d’aide du Président malien et lutter contre l’agression d’éléments terroristes venant du Nord du Mali. Le Président de la République m’a demandé de vous informer régulièrement. Je reviendrai devant vous autant que nécessaire.
La situation au Mali est grave. Elle s’est détériorée rapidement ces derniers jours. Les groupes terroristes, profitant des délais inévitables pour la mise en œuvre des décisions internationales, ont lancé une offensive vers le Sud du pays, qui vise clairement à déstabiliser le Mali dans son ensemble.
C’est la sécurité de la région, de la France, de l’Europe, qui est en jeu. La menace, c’est la mise en place d’un Etat terroriste à portée de l’Europe et de la France, pris en main par des groupes qui nous visent explicitement depuis des années, à commencer par AQMI. C’est ce qui nous a déterminés à agir depuis plus de six mois maintenant.
Il fallait réagir, avant qu’il ne soit trop tard, pour permettre à la stratégie définie par les résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, les décisions des institutions africaines et de l’Union européenne, d’être pleinement mise en œuvre. L’objectif des terroristes est évidemment d’empêcher cette stratégie de se développer. Ils n’y parviendront pas.
Nous sommes déterminés à les en empêcher, dans le cadre strict de la légalité internationale. Nous agissons en soutien des forces armées maliennes, avec trois grands objectifs :
- arrêter l’offensive en cours des groupes terroristes et djihadistes ;
- empêcher ces groupes de nuire plus avant et de mettre en péril la stabilité du Mali ;
- sécuriser nos ressortissants et ceux de nos partenaires, en particulier de nos partenaires européens.
Je veux souligner ici la qualité du travail de nos services de renseignement. Il a permis de détecter les préparatifs d’une offensive importante, organisée et coordonnée par Ansar Eddine, AQMI et le MUJAO, selon deux axes, vers les villes de Mopti et de Diabali. Des concentrations importantes de véhicules ont été repérées.
Je veux ainsi saluer, en cet instant, l’engagement de l’armée malienne au combat, à Konna, jeudi 9 janvier, dans des combats durs et intenses, qui ont duré plus de cinq heures et ont fait de nombreux morts et blessés. C’est d’abord pour soutenir les soldats maliens, exposés au feu des groupes terroristes, que nous sommes intervenus.
Comme l’a dit le Président de la république, face à une telle agression, menaçant l’existence même de cet Etat ami, le Mali, il était en effet devenu indispensable de le renforcer. Le Président Traoré nous l’a très officiellement demandé, avec le soutien de tous les chefs d’Etat de la zone sahélienne.
La France a très rapidement envoyé une première unité à Mopti / Sévaré pour soutenir l’Etat-major tactique et les unités combattantes maliennes. Elle avait pour mandat de soutenir d’emblée les opérations de l’armée malienne.
Hier, vendredi 11 janvier, le Président de la République a autorisé l’utilisation de nos moyens aéromobiles et aériens.
Ceux-ci ont d’abord ciblé une colonne d’éléments terroristes se dirigeant vers Mopti et Sévaré, après avoir pris Konna. Ce raid d’hélicoptères, mené en appui des armées maliennes dans la région vers 16h00, a permis la destruction de plusieurs unités et stoppé leur progression vers la ville. La colonne d’éléments terroristes a dû se replier.
Dans ce combat intense, l’un de nos pilotes, le Lieutenant Boiteux, du 4èmeRHC de Pau, a été mortellement blessé. Il a été évacué vers la structure médicale la plus proche avant de succomber à ses blessures. Je veux rendre ici hommage à sa mémoire et saluer son engagement.
Je partage la douleur de sa famille et de ses proches. Le lieutenant Boiteux est mort pour la France, pour défendre notre sécurité, nos libertés.
Des frappes aériennes sont intervenues cette nuit et ce matin, sur plusieurs objectifs, dans les zones de concentration et de pénétration des éléments terroristes. Elles ont été conduites par nos moyens Epervier du Tchad, où nous disposons d’un dispositif qui a été renforcé. Il comprend aujourd’hui des Mirage 2000, des Mirage F1 et les moyens de ravitaillement et de renseignement qui y sont associés. Nos moyens de chasse de métropole, en particulier les Rafale, sont également en alerte.
L’ensemble de ce dispositif doit contribuer à stopper la progression des groupes terroristes et djihadistes, qui menace la stabilité de tout le Mali. Je peux d’ores et déjà vous dire que ces différentes actions ont permis de détruire des véhicules à Konna, ainsi qu’un PC et des moyens abrités dans des hangars dans la région de Konna.
Parallèlement, ordre a été donné de déployer de premières unités françaises à Bamako dès hier soir pour contribuer à la protection de Bamako et assurer la sécurité de nos ressortissants. Leur renforcement est en cours. Le dispositif devrait rapidement comporter plusieurs compagnies. Ce sont donc quelques centaines de soldats français qui sont engagés.
Nous poursuivrons ces actions aussi longtemps que nécessaire. Notre détermination à lutter contre le terrorisme est totale. La France fera tout ce qu’elle peut pour aider les Maliens à combattre les groupes djihadistes qui sont passés à l’offensive ces derniers jours.
Ce sont les mêmes que ceux qui détiennent nos otages. Nous poursuivrons tous nos efforts et mobiliseront tous nos canaux pour obtenir la libération de tous nos otages.
J’en viens au deuxième théâtre. Comme vous le savez, Denis Allex, un agent de la DGSE, a été enlevé en Somalie le 14 juillet 2009. Il effectuait alors une mission officielle à Mogadiscio destinée à prêter assistance au gouvernement fédéral de transition.
Les services français, au premier rang desquels bien évidemment la DGSE, ont recherché pendant trois ans tous les moyens permettant de négocier la libération auprès du Shebab Al islami qui le détenait. Le Shebab al islami est l’un des groupes terroristes liés à Al Qaeda. Comme vous le savez, Denis Allex était de surcroît détenu dans des conditions parfaitement inhumaines.
Après un travail intense de recherche que je tiens ici à saluer, le service a détecté l’emplacement où il était gardé. Dès lors, il était impératif d’autoriser la planification et la mise en œuvre d’une opération d’envergure. La France ne ménagera jamais aucun moyen pour obtenir la libération de tous ses otages.
Mais il s’agit cependant, on le savait, de missions extrêmement dangereuses qui mettent inévitablement en péril la vie de l’otage. Nous le savions.
La nuit dernière, le commando de la DGSE, transporté sur place dans une très grande discrétion, a pénétré jusqu’au lieu de la détention. Là, il a fait face immédiatement à une très forte résistance. Des combats d’une grande violence se sont déroulés, au cours desquels, tout donne à penser que, malheureusement, Denis Allex a été abattu par ses geôliers. Au cours de cette tentative de libération de leurs camarades, un soldat a perdu la vie et un soldat est porté disparu.
Par ailleurs, et cela vous montre l’intensité de notre engagement, 17 terroristes du Shebab ont été tués.
Les familles de nos soldats, qui sont aujourd’hui dans la souffrance, ont été informées de la situation, en particulier l’épouse de Denis Allex, que j’ai rencontrée plusieurs fois personnellement. Je tiens à adresser ici mes plus sincères condoléances aux familles.
Je m’associe à leur douleur et j’apporte à tout le personnel de la DGSE mon total soutien en soulignant et saluant leur remarquable travail et leur courage.
Mesdames et messieurs, notre engagement contre les groupes terroristes qui menacent de s’installer au Mali et d’en faire un Etat où le terrorisme aurait libre cours va se poursuivre. Nous sommes déterminés à rétablir les conditions permettant la mise en œuvre de la stratégie définie par le Conseil de sécurité.
En ce moment même, nos moyens aériens sont engagés, des unités convergent vers ce théâtre. Nous poursuivrons notre soutien aux Maliens aussi longtemps que nécessaire.
Le Président de la République a convoqué aujourd’hui à 15h00 un Conseil de Défense pour évaluer la situation.
Sources : Ministère des Armées