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Discours de Genièveve Darrieussecq_Hommage à Honoré d'Estienne d'Orves et à Berty Albrecht

Mise à jour  : 15/09/2021

Discours de Geneviève Darrieussecq_Hommage à Honoré d'Estienne d'Orves et Berty Albrecht (format pdf, 1.01 MB).

Vous trouverez ci-joint le discours de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, prononcé au Mont-Valérien le 14 septembre 2021. 

Seul le prononcé fait foi.

 

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Madame la députée, présidente de la commission de défense nationale et des forces armées,

Monsieur le maire,

Monsieur le sous-préfet des Hauts-de-Seine,

Monsieur le délégué national de l’Ordre de la Libération,

Monsieur le directeur des patrimoines, de la mémoire et des archives,

Madame la directrice générale de l’ONAC-VG,

Messieurs les officiers généraux,

Mesdames, messieurs,

Nous l’avons entendu sur le chemin que nous venons d’arpenter. Ensemble, nous l’avons écouté résonner au cœur du Mont-Valérien.

Il ne nous quitte pas. Il ne nous quittera pas. Il est comme ancré en chacun de nous.

 

Ce cri d’amour est celui de la Résistance. Amour pour la France, pour son honneur et pour l’esprit qui anime notre patrie. Il exhorte au courage, à la passion et à l’engagement. Ce souffle français ravive constamment la flamme du souvenir.

Face à l’occupant, les résistants et les Français Libres étaient des passionnés et des assoiffés, de liberté d’abord, de fraternité ensuite, d’espérance enfin. Ils étaient des femmes et des hommes de valeurs et de fierté, ils ont permis de maintenir le pacte maintes fois séculaire entre la France et la Liberté.

Quatre-vingts ans après, nous n’oublions pas.

C’était en 1941. Déjà depuis un an, les premiers résistants avaient relevé la tête alors que tout semblait perdu et que tant se résignaient. Les réseaux se constituaient et se structuraient sous la houlette de femmes et hommes d’exception, encouragés par l’afflux des engagements et par l’entrée en résistance massive des communistes.

Au nom de la France, au nom du Gouvernement et au nom du monde combattant, je suis venue saluer tous ceux qui sont restés fidèle à la France. Je suis venue m’incliner devant les martyrs et devant la mémoire des héros abattus.

En honorant Berty Albrecht et Honoré d'Estienne d'Orves, nous honorons l’ensemble des résistants de l’intérieur et de l’extérieur. Nous saluons les illustres comme les anonymes, les femmes comme les hommes, les civils comme les militaires. Ceux qui ont payé leur fidélité de leur vie comme ceux qui ont survécu à la guerre. Ceux qui étaient Français comme ceux qui ne l’étaient pas. Ceux qui croyaient au ciel comme ceux qui n’y croyaient pas.

Ici au Mont-Valérien, où la Rose rouge et le Réséda blanc s’entremêlent, nous adressons la reconnaissance de la République à toutes les résistances et à tous les soldats de l’armée de l’ombre. Ils représentent une France plurielle et riche de ses différences.

Nous pensons à celles et ceux qui ont collecté des renseignements, qui ont contrecarré les plans ennemis, qui ont caché des familles vouées à la déportation, qui ont sauvé des soldats alliés.

Celles et ceux qui se sont réunis dans des appartements parisiens, pour changer la face de notre pays, qui ont craint la trahison et la délation synonymes de tortures et de mort, qui ont connu l’incertitude de l’heure d’après.

Celles et ceux qui ont pris le chemin le plus compliqué, le plus escarpé, la plus risqué, pour rendre à notre pays sa liberté et son honneur.

Celles et ceux qui, avant l’exécution, au crépuscule, écrivaient à leur fils, qui, à l’aube, pensaient à leur famille, qui, dans les dernières minutes, ont inscrit des graffitis sur les murs de la chapelle du Mont-Valérien.

Ils étaient Français, étrangers, Juifs, communistes, royalistes, républicains… Ils n’avaient, comme dit Aragon, « réclamé ni la gloire ni les larmes ».

Ils combattaient au nom du même idéal et contre le défaitisme. Leur obstination se nommait France. Pour elle, pour ses valeurs universelles, ils avaient ramassé les tronçons du glaive et reforgé ses armes.

Ils avaient fait le choix du combat pour ne pas subir la fatalité de l’histoire, mais pour l’écrire. Ils furent nos défenseurs, ils sont nos héros.

Et parmi eux, la figure du commandant Honoré d’Estienne d’Orves surgit dans toute sa noblesse. Il incarne selon les mots du général de Gaulle : « cette élite partie de rien et qui devait, peu à peu, grandir au point d’entrainer derrière elle toute la nation. ».

Officier brillant et prometteur, légaliste et royaliste, élevé dans le culte de la patrie, il est par essence un personnage d’épopée qui ne peut accepter l’écroulement de son pays. Avec sa bravoure impétueuse et son ardeur dans l’action, il refuse la défaite et l’armistice. Il quitte son affectation en Egypte et, après un périple de deux mois, rejoint Londres et le général de Gaulle.

Il fut l’un des premiers officiers de marine à rejoindre les Forces Navales Françaises Libres et joua un rôle majeur dans l’organisation du service de renseignement de la France Libre. Désireux de retourner sur le terrain, il constitua le réseau de renseignement Nemrod dans l’ouest de la France.

Arrêté le 21 janvier 1941, il connut sept mois de détention ; condamné à mort, il est fusillé à quelques mètres d’ici le 29 août 1941. Héros français, il incarne la France qui lutte et ne se résigne pas. Flambeau dans les heures sombres, il est de ces résistants du premier jour. De ces premiers noms qui portent le sceau du sacrifice pour la France.

 

Sont venus ensuite, Jacques Trolley de Prévaux, Gilbert Dru, Franck Séquestra, Boris Vildé, Joseph Epstein et tant d’autres…

 

Berty Albrecht est de ces figures lumineuses, une de ces flammes qui éclairait et guidait dans l’adversité. Une de ces nombreuses femmes qui ont fait et permis la Résistance.

Elle était une combattante par essence et par naissance. Elle avait été infirmière au cours de la Première Guerre mondiale, soulageant inlassablement la souffrance des braves poilus.

Elle était une combattante de l’égalité au sein du mouvement féministe et du mouvement ouvrier.

Elle était une combattante pour la solidarité, très tôt en lutte contre le fléau nazi, venant en aide aux républicains espagnols et aux réfugiés allemands.

Elle était une résistante, aux côtés d’Henri Frenay, dès la création du mouvement Combat qu’elle anima de son énergie communicative et entrainante.

Elle est une héroïne française arrêtée par traitrise en mai 1943. Berty Albrecht est torturée, transférée puis décédée à la prison de Fresnes. Femme de conviction, combattante de courage, résistante exaltante, elle fait aujourd’hui écho à toutes celles qui ont œuvré pour que le mot « honneur » se prononce encore en Français.

Et, ici au Mont Valérien, je pense particulièrement à Olga Bancic et à Renée Lévy.

Olga Bancic, membre du groupe Manouchian et symbole des femmes d’origine étrangère entrées en résistance, fut d’un courage inébranlable dans sa participation à la lutte armée et dans son martyr. Arrêtée et malgré des tortures ignobles, elle ne parla pas. Condamnée en même temps que ses 22 camarades, elle fut décapitée en Allemagne.

Renée Lévy, résistante du réseau du Musée de l’Homme puis du réseau Hector, diffusa du matériel de propagande et participa à du renseignement militaire. Elle fut arrêtée en octobre 1941 puis déportée en Allemagne. Elle fut guillotinée en 1943. Renée Lévy est inhumée dans la crypte du mémorial de la France combattante aux côtés de Berty Albrecht.

Puisse le souvenir de ces héroïnes éclairer encore longtemps notre jeunesse.

Cette cérémonie nous le rappelle avec émotion : il faut sans cesse lutter contre l’oubli et se rappeler que la préservation de notre indépendance et de nos valeurs repose sur ceux qui ont donné leur vie pour les défendre.

Je souhaite m’adresser particulièrement aux jeunes participant à cette cérémonie. Votre participation fait de vous les héritiers de cette mémoire. Vous en êtes les porteurs, vous en êtes l’avenir.

C’est pour cela que le Président de la République a souhaité, tout au long de son mandat, faire de la jeunesse une priorité et de l’apaisement des mémoires un moyen de mieux transmettre. 

C’est pour cela que nous œuvrons à adapter la transmission mémorielle à la société qui est la nôtre. Ainsi, depuis plusieurs mois, le ministère des Armées travaille à moderniser la manière de commémorer et à ouvrir le travail de mémoire à de nouvelles pratiques et de nouveaux usages.

 

C’est pour cela que nous investissons en faveur de nos Hauts Lieux de La Mémoire Nationale. C’est le cas à la prison de Montluc et au camp du Struthof où j’étais ce dimanche. Et cela se concrétise bien évidemment au Mont-Valérien pour lequel le dispositif de muséographie a été amélioré et une salle pédagogique a été bâtie.

C’est pour cela aussi que nous rénovons et consolidons nos dispositifs liant les armées et la jeunesse en accompagnant la montée en puissance du Service National Universel. Transmettre la mémoire, c’est renforcer notre cohésion nationale, construire la paix et le progrès de demain. C’est enseigner une certaine idée de la France et de la dignité de l’Homme.

Cette cérémonie nous le rappelle avec force et avec émotion : il faut sans cesse lutter contre l’oubli, il faut sans relâche agir contre la banalisation du mal. Il est inacceptable et intolérable de voir, aujourd’hui, dans certains rassemblements, la bêtise salir la mémoire des victimes et des héros.

 

Au Mont-Valérien, en ce haut-lieu de notre histoire, nous savons trop bien ce que furent la dictature et le totalitarisme, l’extrémisme et la censure, la traque et les persécutions, l’arbitraire et la souffrance, pour laisser des amalgames immondes et absurdes souillés la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Inlassablement, il faut continuer la lutte contre l’ignorance et la haine.

Cette certaine idée de la France et de la dignité de l’Homme nous la partageons avec les ombres glorieuses de la France Libre et de la Résistance. Nous la lisons dans les vies du commandant d’Estienne d’Orves et de Berty Albrecht.

Et, en nous quittant, nous écouterons encore le cri de la Résistance. Nous l’entendrons en songeant à Jean Moulin et au général de Gaulle, à Missak Manouchian et à Felix Eboué, à Fred Scamaroni et à Emmanuel d’Astier de La Vigerie, Lucie et Raymond Aubrac, au colonel Passy et à Pierre Brossolette, à Germaine Tillion et aux 1 038 Compagnons de la Libération.

Ne nous lassons jamais d’entendre ce cri d’amour pour la France et cette passion flamboyante pour la liberté.

Vive la République !

Vive la France !