Avions, bateaux, troupes au sol, … Pour garantir la bonne marche des forces en opération extérieure, il est indispensable de disposer d’une bonne connaissance des phénomènes météorologiques. Même sur un théâtre d'opérations comme celui couvert par la force Chammal, où le soleil et les hautes températures sont au rendez-vous quotidiennement, le rôle des prévisionnistes est primordial.
Rencontre avec deux spécialistes météo de Chammal, marin et aviateur.
Le Second Maître Aurore a 26 ans. Elle est engagée dans la Marine nationale depuis septembre 2007. Arrivée sur le théâtre fin mars 2015, le SM Aurore a d'emblée pris ses marques dans cet environnement sans doute encore plus masculin qu'en métropole. Son professionnalisme n'y est pas étranger.
Rien ne la destinait au monde militaire, mais après un bac scientifique et une année de géographie à l'université, où elle s’est passionnée pour les cours de météorologie et de climatologie, elle a définitivement choisi cette double voie, militaire et météo. Elle a opté pour la Marine, ayant vécu jusqu'à son entrée dans l'institution en bord de mer. La mobilité qu'offre la carrière de marin et la partie océanographie de son métier, de fait non étudiée dans les deux autres armées, ont fini de la décider.
Après une première année partagée entre la formation d'officier marinier à l'école de maistrance de Brest, une période embarquée sur une frégate anti sous-marine (FASM) et une à terre sur une base aéronavale (BAN), Aurore est partie pour l'Ecole Nationale de la Météorologie à Toulouse (l’ENM) apprendre son métier de METOC, météorologue océanographe. Elle y a également passé son BAT, brevet d'aptitude technique, premier échelon professionnel dans la carrière des officier mariniers. S'en sont alors suivis trois ans sur la FASM La Motte Picquet et un an sur la FASM Georges Leygues. Puis elle a obtenu son Brevet Supérieur météo en 2014.
Outre ses mises pour emploi sur plusieurs navires, elle a également à son actif une mission au Koweït et dans les opérations Atalante et Enduring Freedom. Des spécificités locales de son travail, Aurore nous précise : « au même titre que mon camarade aviateur, j'assure les prévisions et les briefings pour l'état-major Chammal avec des particularités marine comme les impacts météo sur la piraterie (une mauvaise météo signifie moins de navigation, donc moins de missions dans le cadre de l'opération Atalante) ou le suivi de phénomènes dangereux. Nous préparons les prévisions pour les bases aériennes et le soutien aux appareils français Air et Marine. A ce titre, Bertrand, mon camarade météo de l'armée de l'Air, et moi travaillons de concert pour la préparation de la majeure partie des prévisions. Ma zone de travail est très grande, un carré Irak-Somalie-Inde-Golfe du Bengale. J'assure également le suivi des indices de chaleur et le soutien aux bâtiments français, en particulier ceux engagés dans la mission Guerre des Mines. Ce sont des aspects qu’il n’y a pas en métropole sur une BAN. De même je ne m'occupe pas des composantes DEM (Détection électromagnétique, l’étude des conditions météo, qui influencent la propagation des ondes radar) et LSM (Lutte sous la mer) qui sont des éléments propres au métier de METOC embarqué. L'aspect coopératif avec l'armée américaine et mon collègue de l’armée de l’Air est aussi très intéressant, me permettant de voir d'autres manières de travailler. »A l'issue de son mandat, Aurore regagne un centre opérationnel de la météo marine. Elle espère repartir en mer et à moyen terme réaliser un mandat de 4 mois au Tchad. Professionnellement, elle vise le Brevet de Maîtrise bien sûr, dans la perspective aussi de devenir officier.
Le sergent-chef Bertrand est presque déjà un vieux routier de la spécialité. Entré à 20 ans dans l'armée de l'Air en juin 2004, il effectue, après ses classes, la formation de 11 mois à l'ENM.
De formation électrotechnique, originaire de la Champagne, Bertrand a naturellement choisi l'armée de l'Air lorsque la possibilité d'embrasser la carrière des armes s'est offerte à lui. Au moment de son entrée dans l'institution, il a choisi la voie "météorologie", aucune spécialité se rapprochant de sa formation initiale n'étant ouverte. Ce choix lui a néanmoins permis de rester dans le domaine scientifique, qu'il a toujours aimé. De 2005 à 2014, il a fait ses premières armes à la station Météo de la base aérienne 133 de Nancy-Ochey. Il y a réussi la sélection professionnelle, le fameux "BS" en 2012. A l'été 2014, Bertrand a rejoint d'autres bases et d'autres avions pour finalement intégrer les forces de l'opération Chammal. Il n'en est pas à sa première opération extérieure, puisqu'il est déjà parti à Douchanbé, en 2011, dans le cadre de l'opération Pamir.
« Ce qui est intéressant ici, nous explique Bertrand, c'est que le travail est différent de celui effectué sur une base aérienne. Depuis mon arrivée en mars 2015, j'ai ajouté à la météo opérationnelle fournie pour certaines bases aériennes où se trouvent des avions français dans le cadre de l'opération, une présentation des prévisions ciblée état-major. Non pas que ce que je présente soit plus épuré ou accessible, les prévisions sont faites pour une zone beaucoup plus grande, de l’Irak au Sud de la Somalie jusqu’en Inde et golfe de Bengale. Les informations données ne concernent pas que la piste et les environs immédiats des mouvements avion. La situation météo établie permet à l'état-major Chammal et à l'ensemble des forces d'avoir une situation précise, quel que soit leur lieu de stationnement, et de connaître les éventuelles difficultés voire dangers météo possibles (indice de forte chaleur, danger vent, etc.). Mon matériel de prévision est également différent. Bien sûr, désormais, tout se fait par informatique, nous utilisons le logiciel Synergie, le même système que Météo France. Ce logiciel est justement plus pratique pour notre travail de prévision pour un état-major et recouvrant une grande zone. Au contraire, sur ma base aérienne, en métropole, nous utilisons Messir-Vision, spécialisé pour les productions purement aéronautiques. Sans compter les outils de mesures directes que nous n'utilisons pas ici. Un autre aspect très intéressant : la coopération interalliée, avec mes collègues américains, et plus particulièrement mon travail quotidien avec Aurore, ma collègue METOC de la marine, auprès de qui j’ai énormément appris sur la partie océanographique de la spécialité. »Projeté pour 4 mois, Bertrand retourne à la fin de son mandat sur sa base où, pour sûr, nuages et pluies modifieront le visage météo de ses prévisions "chammaliennes". Dans l'avenir, il aimerait rejoindre l'un ou l'autre des pôles météo de l’armée de l’Air : le CISMF, Centre Interarmées de Soutien Météo-océanographique des Forces à Toulouse, ou le CMOA, Centre Météorologique des Opérations Aériennes à Lyon Mont-Verdun, afin de découvrir une autre facette de son métier. Et pourquoi pas, évoluer peut-être vers d'autres spécialités, le recrutement en CIRFAA, auprès des jeunes, ou instructeur de langue anglaise, étant parfaitement bilingue.
Sources : État-major des armées
Droits : Ministère de la Défense