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15/12/2009 : retour sur un an d'Atalante avec le commandant du Floréal

Mise à jour  : 28/06/2010

La première opération navale européenne Atalante a été lancée il y a un peu plus d'un an, le 8 décembre 2008. L'occasion de revenir sur l'année écoulée et l'état des lieux au large des côtes somaliennes avec le CF Guillaume Arnoux, commandant le Floréal, bâtiment français présent sur zone depuis début novembre.

Commandant, la frégate de surveillance Floréal patrouille dans le bassin somalien depuis plus d'un mois maintenant. Quel est votre premier constat sur la piraterie au large de la Somalie ?

Le premier constat que j'ai à faire est que la situation a beaucoup évolué depuis le lancement d'Atalante. En 2008, on dénombrait une centaine d'attaques dans le golfe d'Aden pour un taux de réussite d'une attaque sur trois. Aujourd'hui, si le nombre d'attaque ne faiblit pas, leur taux de réussite, lui, a été divisé par deux, et même, aucun navire n'a été détourné dans le corridor sécurisé par Atalante depuis l'été dernier.

Mon second constat est que les pirates se sont adaptés. Ils sévissent encore dans le golfe d'Aden où les proies potentielles sont plus concentrées mais protégées, aussi opèrent-ils plus loin. Ils partent aujourd'hui plusieurs semaines en mer pour opérer dans le bassin somalien où leurs attaques ont été multipliées par 4 en 2009 par rapport à 2008.

Les pirates ont changé de modes d'action ?

En partie. Pour éviter les patrouilles des bâtiments de guerre, ils n'hésitent pas à aller très loin et attaquent à plus de 1 000 milles des côtes. De telles distances sont considérables surtout si l'on réalise dans quelles conditions ils partent en mer : sur des petites embarcations, de véritables coques de noix, avec juste de quoi boire et manger !

Par contre ils opèrent toujours à partir de ces skiffs et de bateaux mères très rustiques qui prennent en charge le ravitaillement en carburant pour les autres skiffs.

Ce qui a principalement évolué donc est leur zone d'opération qui s'est considérablement agrandie pour couvrir aujourd'hui plus de 5 fois la superficie de la France dans le Bassin somalien et deux fois dans le Golfe d'Aden.

Ce qui a également changé, c'est leur acharnement dans la conduite des assauts. Le dispositif militaire et les consignes de navigation suivies par les armateurs rendent les assauts plus difficiles pour les pirates. Et plus ils s'éloignent des côtes, plus leurs réserves pour rentrer s'épuisent et plus leur détermination pour s'emparer d'un navire croît. Aujourd'hui donc ils peuvent conduire un assaut pendant plusieurs heures alors qu'avant, dans le golfe d'Aden, ils prenaient le navire en 15 minutes ou s'éloignaient.

En un peu plus d'un mois, quel est le bilan de l'action du Floréal au sein d'Atalante ?

L'activité a été assez dense. En effet la période d'inter mousson qui commence en octobre, est propice à un renforcement d'activité des pirates pour atteindre le rythme moyen d'une attaque par jour pendant les 20 derniers jours.

Nous n'avons donc pas chômé. Nous sommes en actuellement en patrouille dans une zone qui nous est attribuée par l'état-major d'Atalante. Nous surveillons notre zone, avec l'appui des avions de patrouilles maritimes et de notre hélicoptère embarqué qui peuvent nous désigner des embarcations suspectes. Nous contrôlons les navires suspects qui croisent notre route et nous tenons prêts à intervenir dès qu'un navire de commerce lance un appel de détresse. Nous participons aussi à la chasse d'embarcations qui ont pu participer à des attaques et tentent de s'échapper.

En 6 semaines, nous avons ainsi pris en chasse des pirates à 3 reprises. La première fois après une tentative d'attaque sur un thonier français début novembre, la deuxième fois mi-novembre alors que nous avions repéré un mother ship à 650 Nq à l'Est d'Hobyo et la dernière fois fin novembre sur guidage d'un Falcon 50 français déployé aux Seychelles. Au total, nous avons intercepté 5 embarcations et une quinzaine de présumés pirates. 12 d'entre eux ont été remis aux autorités Puntlandaises, les autres ont été relâchés.

Comment réagissent les pirates que vous interceptez ?

Là encore nous avons remarqué une évolution. Avant, les pirates se laissaient prendre dès que nous arrivions sur zone, en général sans lutter et parfois même sans essayer de détruire les preuves. Très souvent tout de même ils essaient de se débarrasser de leurs armes et de leurs matériels en les jetant à la mer avant que nous les interceptions.

A présent, nous avons aussi affaire à des pirates qui ne veulent pas se laisser prendre. Lorsque nous arrivons sur zone et lançons un hélicoptère à leur poursuite, les pirates prennent la fuite sans s'arrêter même après des tirs de sommation. Cela démontre leur détermination.

L'action coordonnée des forces navales européennes au sein de cette opération ATALANTA et internationale au sein de SHADE porte-t-elle ses fruit ?

Oui, car la force navale européenne Atalante n'est pas la seule impliquée dans la lutte contre la piraterie au large de Somalie. L'Otan avec l'opération Ocean Shield, la task force multinationale 151 mais aussi de nombreux Etats agissent dans un cadre national parmi lesquels la Chine, l'Inde, le Japon ou encore la Russie, qui participent à cette lutte.

L'ensemble des acteurs se réunissent tous les mois à Bahreïn pour coordonner l'action des bâtiments de guerre et avions de patrouille maritime. Ces réunions, appeler SHADE (SHared Awareness and DEconfliction) permettent d'établir une répartition géographique et calendaire entre les différentes forces, en fonction de l'évaluation de la menace, de la circulation des navires marchands etc. C'est à l'issue de ces réunions que l'état-major d'Atalante fixe sa planification et répartit les missions, entre les bâtiments de la force européenne : patrouilles dans le bassin somalien, escortes de navires du PAM ou accompagnements dans le golfe d'Aden.

L'action coordonnée de tous les moyens, militaires nationaux et internationaux et des armateurs, a permis de faire échouer un quart des attaques et d'intercepter plus de 300 pirates à ce jour.


Sources : EMA
Droits : Ministère de la Défense