Comme tous les personnels du MINARM, les commissaires des armées sont impliqués dans la lutte contre la pandémie. Les commissaires d’ancrage marine[1] sont mobilisés dans la gestion d’une crise maritime sanitaire d’une ampleur sans précédent à l’échelle mondiale.
Si pour une fois dans l’histoire, le virus n’est pas apparu dans notre pays par voie de mer, à l’image de la grande peste de Marseille de 1720, il peut continuer à se propager par des arrivées mal maitrisées sur nos côtes ou infecter les navires. Agissant au quotidien en qualité d’administrateurs militaires de la mer et juristes opérationnels, les commissaires des armées qui servent dans l’Action de l’Etat en mer contribuent à limiter l’impact de la crise sanitaire sur le territoire national.
Prenons l’exemple d’une préfecture maritime, comme celle de la Méditerranée. Dans le cadre des attributions du préfet maritime[2], il s’agit d’assurer les missions confiées à l’État sur les espaces sous souveraineté (eaux intérieures, mer territoriale) ou juridiction française (zone économique exclusive). S’appuyant sur un pouvoir de coordination des administrations (douanes, gendarmerie maritime, affaires maritimes etc.), cette mission complexe - sur un espace maritime de près de 100 000 km² - va de la sauvegarde des personnes et des biens (sauvetage en mer, assistance à navires en difficultés) au maintien de l’ordre public en mer, en passant par la lutte contre les activités illicites (trafic de drogues, immigration illégale etc.), la protection de l’environnement (lutte contre les pollutions marines, encadrement du mouillage etc.) ou la défense des droits souverains et intérêts de la nation.
En période de pandémie, la mission s’appuie d’abord sur un cadre existant, celui de l’assistance médicale en mer prévue dans les dispositions de l’ORSEC[3] maritime, planifiant la réponse de sécurité civile de l’État aux différentes situations d’urgence. Cette assistance, via la coordination du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de Méditerranée (CROSS MED), est mise en œuvre au quotidien (malades en mer, blessures etc.) et des hélicoptères de la Marine nationale sont en permanence en alerte, prêts à évacuer un patient.
Outre les mesures barrières et les problématiques matérielles, il a cependant fallu adapter ce cadre existant aux circonstances exceptionnelles auxquelles la France a fait face. Ainsi, sur la base d’échanges avec les services du Premier ministre (SGmer[4]), il a fallu bâtir dès le mois de janvier un cadre règlementaire particulier pour être en mesure de prendre en charge à la mer un patient atteint du COVID-19, d’anticiper la gestion des navires de croisière aux multiples passagers contaminés arrivant à Marseille (seul port d’arrivée en Méditerranée au titre du code de la santé publique), de donner du temps aux autorités terrestres pour accueillir de tels navires mais également à compter du 16 mars 2020, de maitriser le respect du confinement en mer.
Ainsi, quatre arrêtés préfectoraux ont été pris pour encadrer l’activité maritime dans ce contexte, et une instruction a été transmise aux administrations pour fixer le cadre des interventions ainsi que les directives relatives au respect des mesures de confinement prises en mer. Ce socle a permis d’encadrer efficacement et en sécurité l’évacuation depuis la mer d’une vingtaine de malades atteints du COVID-19 et le suivi ainsi que la préparation d’accueil au port d’une dizaine de navires de croisière avec passagers. Le respect de ces mesures a par ailleurs fait l’objet de plusieurs milliers de contrôles en mer aboutissant à quelques dizaines de procès-verbaux. Ces chiffres assez faibles de malades en mer et de constatations d’infractions, malgré une activité de contrôle (moyens navals et aériens) très soutenue, est venue souligner le succès des mesures prises.
En outre, une vingtaine de fiches de situation maritime, très suivies, ont été transmises aux autorités centrales pour les informer de l’actualité relative au COVID-19 et ses conséquences (pêche, continuité territoriale, volume de trafic maritime etc.) en Méditerranée.
On peut souligner, enfin, la mise en œuvre pour la première fois depuis bien des années, d’un arrêté du préfet maritime de la Méditerranée (20 mars 2020) pris au nom des circonstances exceptionnelles pour interdire une bonne partie de la navigation des navires à l’exception de l’activité maritime essentielle. Les commissaires de la préfecture maritime de Toulon ont eu le sentiment de vivre un moment historique et un curieux clin d’œil de l’histoire. En effet, le fameux principe des circonstances exceptionnelles, bien connu des candidats publicistes au concours, a été défini par le Conseil d’État en 1919 sur la base d’un recours des fameuses « dames Dol et Laurent » à l’encontre d’un arrêté pris en 1916… Par le préfet maritime de Toulon et préparé par un de nos illustres prédécesseurs !
Sur le pont depuis plus de deux mois, les commissaires des armées d’ancrage marine, à l’image des commissaires des autres ancrages, ont une nouvelle fois démontré que leur expertise dans le domaine de l’administration militaire de la mer était précieuse et unique.
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[1] Ils servent au sein du Secrétariat Général de la mer, de l’État-major de la Marine, des préfectures maritimes ou encore outre-mer et des bureaux Action de l’État en mer (AEM).
[2] Fixées par le décret du 6 février 2004
[3] Dispositif ORSEC maritime : Organisation de la Réponse de Sécurité Civile, adopté en avril 2010
[4] SGmer : Secrétariat Général de la mer
Sources : SCA
Droits : sca