[INTERVIEW] Pilote d’essai à la Direction générale de l’armement : « L’adaptation est dans nos gènes »

En quoi consiste votre travail ?

Je suis pilote d’essai expérimental hélicoptère à Istres, au sein du centre d’expertise et d’essais DGA Essais en vol, de la Direction générale de l’armement. L'une de mes missions consiste à réceptionner et tester les nouveaux hélicoptères fabriqués, en vue de leur utilisation par les armées, dans le cadre de leurs missions opérationnelles.  DGA Essais en vol réalise cette activité pour l'ensemble des aéronefs d'Etat (armées, sécurité civile, gendarmerie, douanes), ainsi que pour d'autres "clients" sur demande.

Pour ma part, j'exerce plus particulièrement sur les hélicoptères NH90 et les Tigre de l’armée de Terre. Nous testons l’aéronef et l'ensemble des systèmes de mission afin de vérifier qu'ils répondent aux exigences du ministère des Armées et permettent aux militaires de remplir leurs missions efficacement, en toute sécurité.

L'ensemble de ce travail est autant technique qu’administratif puisqu’au-delà des essais en vol, nous rédigeons les comptes-rendus d'essais, les rapports de réception, nous vérifions et validons également l'ensemble des procédures de mise en œuvre du manuel de vol des appareils ou des systèmes.

Avez-vous pu remplir votre mission en dépit du confinement ?

Sur le moment, nous avons connu un arrêt brutal de notre activité, les réunions se sont déprogrammées, les collaborateurs n'étaient plus joignables… Néanmoins, notre direction a mis tout en œuvre pour trouver des solutions : nous nous sommes réorganisés, nous avons très vite mis en place des mesures de distanciation physique, développé le télétravail, redéfini des groupes de travail. Nous avons repris les vols d’essai dès le 20 mars. Bien entendu, les sorties étaient un peu moins nombreuses, mais toujours présentes. Nous avons donc pu continuer notre activité sereinement !

Comment respecter les mesures de distanciation physique dans un hélicoptère?

Bonne question ! Comme beaucoup, nous avons dû porter des gants en latex, un masque, etc. La direction nous a très rapidement rédigé des consignes et des mesures d'hygiène afin de réduire au maximum le risque de contamination.

L’hélicoptère était entièrement désinfecté avant notre arrivée, et tout l’équipage devait porter la tenue adéquate avant d’entrer dans l’appareil. Petite anecdote : lors de notre premier vol dans ces conditions, les gants en latex se coinçaient ou se déchiraient lors de la manipulation des boutons. Nous avons trouvé un bon compromis en portant nos gants de vol par-dessus les gants en latex…

Quelles leçons tirez-vous de la crise sanitaire ?

L’adaptation est dans nos gènes : nous sommes formés pour réagir en cas de situation exceptionnelle, car nous devons parfois faire face à l’inconnu au cours des vols d’essais. La crise sanitaire du Covid fait partie de ces situations inattendues.

Une autre règle d'or de notre métier est la sécurité du vol. Nos actions sont donc toujours étudiées, analysées et validées en amont.

Notre métier est indispensable et englobe des enjeux nationaux : la délivrance d’appareils est importante pour maintenir les opérations extérieures ou la posture de dissuasion, elle l’a aussi été lorsque nous avons dû fournir du matériel pour le transport des patients atteints du Covid-19. Nous avons continué, et nous continuerons à honorer nos missions prioritaires coûte que coûte.

Pour conclure, nous avons mis à profit cette crise pour nous réorganiser dans la transmission des ordres, du partage de l'information et du suivi des activités. La position de nos collaborateurs en télétravail nous a contraint à utiliser des outils et des méthodes de travail qui fluidifient nos échanges et qui continueront, j'en suis sûr, à nous servir dans l'avenir.