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25 ans d’opérations spéciales

Mise à jour  : 28/06/2017 - Auteur : Pierre Servent - Direction : DICoD

Le commandement des opérations spéciales (COS) célèbre ce mardi 27 juin aux Invalides ses 25 ans d’existence. Fidèle à sa philosophie première, il a su se moderniser tout en s’adaptant aux contraintes. Le point avec Pierre Servent, journaliste spécialiste des questions de défense.

« Le grand général allie une formidable puissance à une extrême prestesse. Il possède la puissance de l’arbalète bandée et la prestesse de la gâchette. » Voici ce que disait le général chinois Sun Tzu, au VIe siècle avant Jésus-Christ. Le Commandement des opérations spéciales (COS) a justement comme symbole tutélaire l’arbalète et son très pénétrant carreau... La prestesse ? Une disposition essentielle aujourd’hui dans le combat contre des ennemis extrêmement volatiles et mutants. Le COS, qui fête ses 25 ans cette année, l’a toujours recherchée en pensant « autrement » sa manœuvre et en choisissant ses opérateurs et ses armes en conséquence. Tout en restant fidèle à son ADN de départ – outil stratégique, faible empreinte au sol, approche atypique, esprit « commando », combinaison active-réserve pour certaines missions –, le COS n’a cessé de se transformer. Quand, en 1992, le général Le Page le porte sur les fonts baptismaux à la demande du ministre de la Défense Pierre Joxe, qui veut tirer les enseignements de la guerre du Golfe mettant en lumière certaines insuffisances1, il inscrit dans sa matrice de départ les deux chromosomes du « penser et faire autrement ». Fidèle à ses origines, le COS 2017 est à la fois toujours le même et très différent.

À l’époque du « hit and run »2 des débuts, avec des détachements légers et fugaces se suffisant à eux-mêmes, a succédé celle d’un COS intégrateur, combinant des moyens multiples qui ne viennent pas tous des forces spéciales, capable de conduire des « opérations spéciales » de longue durée.

Mission Arès, Afghanistan : un tournant

Désormais, les forces spéciales ne sont plus seulement considérées comme une force d’exception mais bien comme un système de forces à part entière, à la fois agile et innovant. La mission Arès, à Spin Boldak, en Afghanistan3, a d’ailleurs constitué un tournant dans cette transformation permanente. Pour la première fois, les task forces se sont inscrites dans le temps long. Leur ubiquité sur le terrain (faite notamment de nomadisation) a créé une zone d’insécurité et d’interdiction pour les talibans sur un axe stratégique partant du Pakistan. Les Américains ont salué la performance. Des compliments d’autant plus appréciés que les relations entre nos deux pays étaient pour le moins tendues compte tenu du refus de la France de s’associer à la guerre d’Irak (2003). Confirmant leur vocation d’outil stratégique dans la main du chef des armées, les trois composantes – terre, air et marine – sont passées de la juxtaposition à l’imbrication tout en respectant les spécificités de chacun. « À la fin de la mission, on ne faisait absolument plus attention à l’armée d’origine », me confiait alors l’un des commandants d’Arès, le futur général Christophe Gomart, qui sera à la tête du COS de 2011 à 2013. « Arès, c’est avant tout un état d’esprit », m’expliquait, en 2006, à Spin Boldak, un commando marine. Un pas important a également été franchi à l’époque pour l’harmonisation des procédures et des équipements. C’est un sillon qui reste toujours à creuser.

Le COS ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Sous la houlette de ses chefs successifs, il a poursuivi sa mue. Son GCOS (commandant) actuel, le vice-amiral Laurent Isnard4, se vit comme un « architecte » d’opérations spéciales. Le « cabinet d’architectes » qu’il commande se veut tout à la fois « analyste, concepteur, intégrateur, assemblier et pôle d’ingénierie » pour répondre le plus finement possible aux commandes du chef d’État-Major des armées (Cema). « L’important, souligne le vice-amiral dans son bureau de l’EMA, c’est de ne pas être propriétaire de tout. Nous devons travailler en réseau. Nous allons chercher là où ils sont les meilleurs ouvriers et dessinateurs, les matériaux les plus fins et les plus performants. C’est la meilleure façon de ne pas être propriétaire de la mission. C’est également pour cela que l’évolution vers une “4e armée” serait une erreur et qu’il faut veiller à ne pas trop grossir car alors nous aurions tendance à n’utiliser que des moyens propres. D’ailleurs, 50% de mon état-major ne vient pas des forces spéciales. En outre, l’emploi très opérationnel que nous faisons de nos réservistes – la plupart ont servi en opérations extérieures – est partie intégrante de cette façon de puiser dans des viviers élargis les talents dont nous avons besoin. Le COS est bien un catalyseur de valeurs ajoutées. C’est la meilleure voie pour ne pas s’enfermer dans une seule vérité. Chez nous, chaque journée doit commencer par une idée nouvelle. »

Une chaîne de commandement très courte

Le vice-amiral Isnard souligne également tout le bénéfice qu’il tire d’une chaîne de commandement très courte: sous-chef opérations, Cema, chef des armées. Et il insiste sur un autre « carreau » d’arbalète très acéré qu’il possède dans son carquois : la subsidiarité. Si le commandement est très direct, très centralisé, il se combine avec un haut degré de subsidiarité qui permet, à chaque niveau de responsabilité, de dégager le maximum de puissance et d’imagination sur le terrain. Si cette souplesse n’existait pas, ce serait très vite l’embolie compte tenu de la multiplication des missions. Face à l’ampleur de la tâche et des évolutions d’un monde qui semble vouloir faire plus de place à des formes de guerre sans cesse renouvelées, le COS 2017 anticipe (d’où l’importance du renseignement) et cherche tout particulièrement à diffuser son savoir-faire auprès de ses partenaires. « Nous développons une approche globale en diffusant de la formation et du conseil aux unités partenaires avec l’idée de les faire monter en gamme, comme par exemple en Irak ou en Côte d’Ivoire, pour ne citer que ces pays. C’est la meilleure façon de travailler dans la durée et de les aider à prendre ensuite le relais », souligne le vice-amiral Isnard. À l’entendre, on comprend bien que la recherche de la prestesse chère à Sun Tzu n’exclut aucunement la patience et la gestion du temps long.

1 La Direction du renseignement militaire (DRM) est créée à la même époque. Ne voulant plus être dépendant du renseignement satellitaire

américain, le président Mitterrand lance également la France dans ce domaine stratégique.

2 Frapper et s’esquiver

3 Août 2003-janvier 2007

4 Il a été nommé le 1er septembre 2016. C’est le second officier général de la marine à être GCOS. Le précédent était l’amiral Pierre Martinez.


Sources : Ministère des Armées